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Littératureet Romans & Nouvelles  

Elsa mon amour
de Simonetta Greggio
Flammarion 2018 /  19 €- 124.45  ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2-08-141285-9
FORMAT : 13,7 cm × 21,0 cm

Une femme libre

Elsa mon amour se présente comme un long monologue au fil des souvenirs d’Elsa Morante, et débute ainsi : «J’étais jeune longtemps. J’étais belle, du moins le disait-on. Je suis devenue un écrivain, un grand. Puis je suis tombée». Journaliste et romancière (La Douceur des hommes, Dolce Vita, etc.), Simonetta Greggio a voulu faire revivre Elsa Morante (1912-1985), qui de son vivant a connu un immense succès, en particulier avec La Storia (1974), et qui aujourd’hui est un peu oubliée, à l’exception de ce seul roman auquel on ne peut résumer son œuvre ; pas davantage qu’on ne peut résumer sa vie à son mariage avec Alberto Moravia.

Le texte se déroule en brefs chapitres, parfois entrecoupés de précisions chronologiques, en italique, données par Simonetta Greggio. À la fin de sa vie, Elsa se souvient des fortes personnalités qu’elle a croisées : Visconti, Anna Magnani, Pasolini, etc., tous disparus. Elle se souvient de son enfance dans une curieuse famille : la mère épouse d’un homme, Augusto Morante, qui n’était pas le père de ses nombreux enfants ; ce dernier venant régulièrement au foyer : «Quant à mon vrai père, Francesco Lo Monaco, il venait chez nous les poches remplies de bonbons. Il riait, chantait des airs d’opéra, trinquait à la cuisine à notre santé. Puis il couchait avec maman et lui faisait un enfant». À six ans, elle part vivre chez sa marraine, richement mariée. Une enfance, une adolescence, une jeunesse différentes... qui nourriront, sa vie durant, sa plume.

De l’enfance à la mort, Simonetta Greggio suit Elsa, la femme davantage que l’œuvre, la femme qui explique l’œuvre, l’éclaire ; ses amants, ses amours – en particulier le beau peintre américain homosexuel Bill, sa relation avec Moravia. Des pages solaires sur Léonor Fini, le souvenir amer de la liaison cruelle avec Luchino Visconti. Des histoires qui ne sont pas les siennes aussi : la tragique histoire d’amour entre Malaparte et Virginia Agnelli. Des anecdotes, des morceaux de vie, racontés, confessés, sur le ton de l’intimité. Un récit nourri de citations de lettres et poèmes d’Elsa Morante. Un récit qui raconte la vie d’une femme libre, d’une créatrice dans l’Italie des années 1930-1980, la survie pendant la guerre alors qu’en 1943, Moravia, juif, est inscrit sur une liste de déportation.

Un livre prenant, que l’on connaisse ou non Elsa Morante et son œuvre, et l’occasion de lire au moins La Storia, cet immense roman populaire ; pour les familiers de l’écrivain, c’est une rencontre heureuse qui donne envie de reprendre dans sa bibliothèque ses ouvrages et de se replonger dans un monde disparu.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 28/09/2018 )
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