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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Nuits d'Ava
de Thierry Froger
Actes Sud - Domaine français 2018 /  20 €- 131  ffr. / 304 pages
ISBN : 978-2-330-10863-2
FORMAT : 11,5 cm × 21,7 cm

L’origine du monde

Dans son premier roman, Sauve qui peut (la révolution), Thierry Froger associait Danton à Jean-Luc Godard. Dans Les Nuits d’Ava, il joue à nouveau avec les espaces-temps en mettant en parallèle Courbet, Ava Gardner et le narrateur, Jacques Pierre. Trois séquences qui ont un lien commun et s’emboitent comme des poupées russes : la création par Courbet de ''L’Origine du monde'', les frasques d’Ava en août 58 et l'enquête menée par la narrateur. Tout ceci constitue une trame adroitement écrite.

Dans la nuit du 28 août 1958, Ava termine le tournage du dernier film qu’elle doit à la MGM, ''La Maja desnuda'', espagnolade bien vite oubliée sur les amours de Goya et de la duchesse d’Albe. Déchaînée par l’alcool, la diva demande au chef opérateur Pepino Rotunno de la photographier dans la position de nus célèbres de l’histoire de l’art... dont celui de Courbet... L’auteur joue avec la fiction. La scène a-t-elle vraiment existé ? Et les photos développées en 18x24, que l’actrice aurait offertes à d’anciens amants ?...

Le 28 juin 1995, Jacques Pierre, 47 ans, tombe sur un article de Libération au titre accrocheur autant qu'évocateur de la carrière d'Ava Gardner : «La Comtesse au cul nu». Cet homme a toujours éprouvé une grandes fascination pour la sulfureuse comédienne américaine. Adolescent, il remplissait des cahiers de photos découpées dans les magazines. Il décide de partir à la recherche de ces fameux clichés, se rend à Rome pour rencontrer Rotunno, puis aux Etats-Unis ; le musée Ava Gardner se situe en Caroline du Nord.

On découvre les coulisses de la MGM, et les frasques de l’artiste, on entre dans l’atelier de Courbet, on assiste même à sa mort. S’invitent au fil des pages, Hemingway, Sinatra, Marilyn Monroe et même Howard Hugues. Quant à la rencontre entre Jacques Pierre et Fidel Castro, est-elle fantasme ou réalité ?...

Le roman est très documenté sur le destin fabuleux du tableau de Courbet, qui finira chez Lacan derrière une croûte de Masson et un rideau vert, le psychanalyste ne le montrant qu’à ses amis. Depuis 1995, il est accroché au musée d’Orsay. L’auteur cultive pourtant une grande liberté dans l’écriture ; on ne sait plus très bien distinguer la réalité et la fiction.

Au final, le narrateur recherche moins les fameuses photos que ses propres origines, il se remémore ses expériences dans le magasin de photo qu’il a fréquenté jeune. La vie d’Ava est romanesque ; malgré sa beauté exotique, elle n’a jamais vraiment porté de grand rôle. Restent les images, réelles, volées ou inventées, portées par une écriture lumineuse et enlevée. «Le miracle économique italien et la crise des studios en Californie avaient délocalisé de nombreuses productions en Europe et à Cinecitta en particulier faisant affluer vedettes et starlettes hollywoodiennes sur les bords du Tibre pour le plus grand bonheur des pionniers de cette nouvelle profession qui n’avait pas encore de nom». Les paparazzi étaient nés.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 01/10/2018 )
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