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Littératureet Romans & Nouvelles  

Un certain Paul Darrigrand
de Philippe Besson
Julliard 2019 /  19 €- 124.45  ffr. / 211 pages
ISBN : 978-2-260-05284-5
FORMAT : 13,3 cm × 20,7 cm

''... la villa de décembre''

Philippe Besson semble avoir entrepris le détricotage de son œuvre romanesque pour retricoter une œuvre plus proprement autofictive. Arrête avec tes mensonges, titre de son précédent roman, sonne dès lors comme une déclaration de principe : l'écrivain retournerait au ''vrai''. Il évoquait dans ce précédent récit un premier amour d'adolescence, avec un garçon. Une seconde passion homosexuelle est révélée dans Un certain Paul Darrigrand, doublée du récit d'une maladie grave, la thrombopénie (une insuffisance en plaquettes rouges). «(Ainsi je serai tombé malade juste après être tombé amoureux)».

Bordeaux, la fin des années 80, des études de troisième cycle avant de ''monter'' à Paris. Philippe heurte Paul dans le couloir de la fac. Leur histoire commence, une histoire compliquée car Paul est marié, un jeune marié. Mais les deux hommes s'aiment, en cachette, un soir de décembre, dans une villa de l'Île de Ré ; un de ces séjours typiques entre amis.

Un amour clandestin, impossible, furtif, incomplet. Philippe doute, attend, entend les silences et redoute l'absence de Paul, en stage à Paris alors qu'il est lui-même malade, hospitalisé, sous transfusions. Les états d'âmes de l'écrivain replongeant dans le passé, l'attention aux détails du quotidien remémorés, la construction du récit comblent un vide, un contrepoids à l'insaisissabilité de l'amant. «Une vraie saleté, l'infériorité en amour».

Ce retour au réel épouse en s'en décousant les fictions écrites par Philippe Besson au fil des ans. Il en donne ici le vademecum, de façon répétée, appuyée, trop. Comme une agaçante explication de texte. Son frère était en fait l'évocation romancée de sa propre maladie, transposée dans le corps d'un autre. Les autres romans de Besson racontaient ses amours impossibles avec des hétéros contrariés, amants du ''petit pédé''. Ici, maladroitement, Philippe Besson se présente comme «la maîtresse», manière parmi d'autres de se montrer nu...

Et pathétique. C'est au final ce qui dérange le plus dans cette écriture autofictive : cette impudeur hypocrite dont on doute en fait qu'elle soit si autobiographique et sincère que cela. Faudra-t-il peler une deuxième fois ce nœud d'écriture pour en extraire une confession pour de vrai ?...

Thomas Roman
( Mis en ligne le 13/02/2019 )
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