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Littératureet Romans & Nouvelles  

L'Algérois
de Eliane Serdan
Serge Safran Editeur 2019 /  15,90 €- 104.15  ffr. / 157 pages
ISBN : 979-10-97594-13-8
FORMAT : 12,5 cm × 19,0 cm

L’étranger

Marie Guérin, écrivaine au soir de sa vie et très malade, vit en recluse et reçoit une lettre de Simon, un demi-siècle après leur adolescence et le silence qui suivit, lui rappelant l’histoire douloureuse qu’ils vécurent ensemble dans un petit village du Var. Marie lui répond et lui explique ce qu’elle a vécu.

Nous sommes en 1962, Marie et Simon, amoureux, sortent ensemble. A la rentrée au lycée, arrive dans leur classe de terminale un jeune homme blond, élégant, nimbé de mystère. Jean Laurrencin arrive d’Alger, il est le fils d’un officier français tué en permission et recherche l’amitié des autres. Simon est fasciné par la personnalité du nouveau, au désespoir de Marie qui se sent délaissée. Jean appartient à un groupe d’extrême-droite et veut venger son père en tuant des Algériens. Le soir de la Saint-Sylvestre, il viole et déflore Marie en la traitant de fille facile, après l’avoir suppliée de le laisser entrer chez elle. «Je crois que l’idée de meurtre est entrée en moi à ce moment-là. A la souffrance se mêlait un sentiment de haine. Je ne comprenais pas comment j’avais pu m’abandonner à quelqu’un d’aussi odieux. Je ne retrouvais pas dans le masque ricanant que j’avais sous les yeux le visage et le regard triste qui m’avaient quelquefois touchée». En quittant Marie, il tombe dans une embuscade, et lors d’une bagarre, disparaît.

La jeune fille, littéraire, fréquente assidument depuis sa petite enfance la bibliothèque et est très liée à Paul Boisselet, bibliothécaire près de la retraite qui joue le rôle de maître spirituel et sait la guider dans ses choix de lecture. Il lui fait découvrir L’Etranger et lui raconte le conflit opposant Sartre et Camus. Malheureusement, Paul Boisselet meurt brutalement un samedi matin d’hiver. Sa veuve envoie son journal intime à Marie, dans lequel il donne sa vison des événements et son avis sur Jean avec qui il a eu de longues conversations politiques bien que le jeune homme soit subjugué par Robert Brasillach.

La troisième et dernière partie du roman est la réponse de Simon à Marie, après la lecture de sa lettre et du journal, un long cri muet de regret ; il aurait tant aimé la voir une dernière fois, il lui explique sa soumission à Jean qui était si différent d’eux, plus mûr, plus politisé avec un vécu si dramatique. «Lorsque nous nous prenons de passion pour un être, nous sommes attirés, au-delà de sa simple apparence par le monde dont il est porteur. Il s’auréolait pour moi d’un univers prestigieux qui réduisait le mien à des dimensions dérisoires». Manipulateur et violent, Jean a réussi à réduire à néant la complicité qui liait Simon et Marie.

Eliane Serdan, avec ce court récit initiatique et ces portraits d’adolescents écrasés par l’histoire, réussit parfaitement à rendre l’atmosphère de ces années, le silence pesant, la tension extrême des relations au sein des familles, des groupes d’amis, pieds-noirs et Français de métropole. Elle souligne remarquablement la fragilité de l’adolescence et l’importance des émotions à cet âge-là, surtout dans les années soixante où la morale pesait lourdement sur toute une vie.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 26/06/2019 )
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