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Littératureet Romans & Nouvelles  

Dernier printemps à Paris
de Jelena Bacic Alimpic
Serge Safran Editeur 2019 /  23,50 €- 153.93  ffr. / 336 pages
ISBN : 979-10-97594-25-1
FORMAT : 14,0 cm × 21,1 cm

Alain Cappon (Traducteur)

L’archipel du Goulag

Jelena Bacic Alimpic, née en 1969 en Serbie, est journaliste, auteure et réalisatrice de documentaires pour la télévision. Dernier printemps à Paris (2014) est son premier roman, admirablement traduit en français par Alain Cappon.

Deux femmes dont les vies sont opposées se rencontrent, apparemment par hasard. Olga, journaliste au Point, voit son couple se décomposer. Heureusement, elle a son fils de six ans, Jean, car son mari est infidèle et se distrait ailleurs. Dans cette illusion d'un couple, la routine est devenue lancinante. Est-ce la raison pour laquelle elle accepte un reportage à Toulon où elle doit recueillir l’histoire d’une vieille dame, une femme au destin bouleversé et à la vie extraordinaire, qui finit son existence dans un sanatorium sur ordres russes ? Contrairement à Olga, le destin de Maria fut tragique, sur fond soviétique.

Le séjour d’Olga dure dix jours, pendant lesquels Maria Koltchak confesse les dénonciations sans raison, les conditions inhumaines de vie au goulag, et, toujours, la hantise de la délation qui destine à la Sibérie ou une fosse commune. La trame est certes romanesque mais la retranscription de la vie au goulag dit la triste vérité. Quand Olga demande à la vieille dame de parler russe, celle-ci répond : «Quand je pense en russe, plus encore quand je prononce des mots russes à haute voix, je sens l’air se rafraîchir… l’hiver revenir et avec lui la Sibérie, la Taïga ; le froid me ferre».

Le père de Maria, issu d’une riche famille d’intellectuels, est resté fidèle au tsar. Lors du dernier séjour à Paris en 1937, Maria se fiance à Viktor Fiodorov, un faux ami dont elle tombe enceinte, et qui, agent du NKVD, l’envoie au goulag en Sibérie, lors du retour de la famille en URSS. Quinze années au bagne ruinent la santé de la jeune femme ; les autorités lui enlèvent alors sa fille de douze mois pour la confier à des inconnus ; c’est la règle.

Telle est la descente aux enfers staliniens de Maria, qui connaît la peur, le froid, la maladie, le désespoir... face à des ennemis dénués de toute humanité. Quand la déstalinisation advient, il est souvent trop tard pour les victimes, mortes ou marquées à vie dans leur chair. Malgré sa paranoïa bien compréhensible, Maria développe une sorte de résilience... non sans mal... et la chute est inattendue...

Ce récit est un cri de colère contre la barbarie, l’injustice, la trahison, la bassesse humaine. La réalité de la dictature stalinienne est ici révélée sans euphémisme, dans toute sa cruauté. En contrepartie, se noue timidement une tendresse entre ces deux femmes de générations différentes et de caractères opposés. Olga reçoit une leçon de vie qui lui donne une vision positive et du courage pour agir sur la sienne, destin individuel pris dans la vie moderne.

Un très convainquant roman de rentrée.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 23/09/2019 )
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