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Littératureet Romans & Nouvelles  

Torrentius
de Colin Thibert
Editions Héloïse d’Ormesson 2019 /  15 €- 98.25  ffr. / 123 pages
ISBN : 978-2-35087-537-8
FORMAT : 14,1 cm × 20,5 cm

Grandeur et décadence d’un peintre oublié

La magnifique nature morte de la couverture du roman, œuvre de la photographe Paulette Tavormina, nous relie à ce genre dont l’apogée se situe au siècle d’Or de l’art hollandais, sans se résumer à Vermeer et Rembrandt. Ces terres calvinistes ont donné naissance à de nombreux peintres dont la célébrité est arrivée jusqu’à nous. En 2014, Donna Tartt a redonné vie à Carel Fabricius avec son Chardonneret dont le film, actuellement sur les écrans, est fort intéressant.

Colin Thibert nous fait découvrir à Haarlem, ville de Franz Hals, contemporain du peintre inconnu Johannes Van der Beck alias Torrentius, né en 1589, un tondo de cinquante centimètres de diamètre : une allégorie de la tempérance datée de 1614. Au bas du tableau, une partition de musique contient en message : «celui qui excède la mesure et tombe dans l’excès tournera mal». La vie de Torrentius est le sujet du roman de Colin Thibert qui a comblé les nombreux blancs dans la biographie de l’artiste, les sources étant réduites.

Peintre exigeant, qui gagne bien sa vie en vendant sous le manteau des gravures érotiques, ce qui est passible de la peine de mort, Torrentius est conscient de son grand talent. Vêtu de riches vêtements colorés qui jurent avec la noirceur de la mode calviniste, il occasionne beaucoup de jalousie ; il fréquente les tavernes, grand consommateur d’alcool et de femmes. Sa réputation choque les puritains qui le dénoncent aux autorités. Il n’hésite pas à dire que le diable guide ses pinceaux devant les clients stupéfaits de la précision de sa peinture. Les rumeurs malveillantes arrivent aux oreilles des prédicants, ministres du culte protestant ; on le dit même membre de l’ordre des Rose-Croix.

Le bailli Velsaert mène son enquête en vue d’un procès et le peintre vit alors une descente aux enfers ; la prison pour vingt ans en 1627, la torture, l’autodafé de ses œuvres, rien ne lui est épargné pour qu’il se repente... En vain ! Pour les instances religieuses, c’est un hérétique qui mérite la potence ou le bûcher. Agissant pour le roi d’Angleterre, Charles Ier, le diplomate Brigby traverse la mer du Nord en direction des Provinces-Unies pour acquérir des estampes coquines et des toiles de maître en vue de compléter les collections royales. Il devient le protecteur de Torrentius ; malgré le piteux état de l’artiste passé par la torture, il parvient à l'amener en Angleterre où il devient peintre de cour... mais…

L’écriture anachronique, sensuelle et teintée d’humour, porte ce roman qui fait découvrir avec un grand plaisir ce peintre flamboyant, trait d’union entre le profane et le sacré. Un génie méconnu qui mourut en 1644.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 02/10/2019 )
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