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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Fortuna
de Françoise Gallo
Liana Levi 2019 /  15 €- 98.25  ffr. / 144 pages
ISBN : 979-10-349-0186-9
FORMAT : 14,4 cm × 21,0 cm

Exil tunisien

. «Je m’appelle Giuseppa La Fortuna. Si j’ai reçu ce nom de «chance», moi, la bâtarde, trouvée sur la route du couvent de Girgenti, c’est parce que une main anonyme versait régulièrement de l’argent aux religieuses qui m’ont recueillie. Pour mon éducation. Ou pour se dédommager par ce don de sa faute». Porte Empedocle (berceau de Andrea Camillieri, disparu depuis quelques mois et qui y passa sa vie) dans la province d’Agrigente en Sicile, 1901 : La Fortuna quitte la Sicile avec son mari Francesco et ses quatre fils pour rejoindre la Tunisie, fuyant la misère et le choléra, après avoir été spoliée par sa belle-famille qui l’a toujours méprisée et haïe. Dans la barque qui l’amène loin de chez eux, elle retrace son histoire, un tableau de la Sicile au début du XXe siècle et de la migration italienne vers l’Afrique du Nord. Peu à peu, se dévoile le portrait d’une femme exceptionnelle.

La petite Giuseppa a un rêve : retrouver sa mère pour savoir la raison de son abandon qui ne peut être que forcé. Au cours des promenades, elle cherche, en quête d'un regard, croit la reconnaître, autant de déceptions. Elle n’est heureuse qu’au jardin du monastère avec Santuzzu, le vieil employé qui veille sur elle, lui enseigne l’art de semer, de faire germer les graines et lui apprend que la richesse est intérieure, qu’il ne tient qu’à elle d’entretenir ses qualités. Le jardin est le lieu de sa révélation, son pilier.

Finalement, elle épouse Francesco, un bel homme né dans une famille de propriétaires sur le déclin, hostile à Giuseppa ce qui lui donne le courage de partir vers la Tunisie. Elle est de la trempe des conquérants, veut mener sa vie loin de la Sicile, malmenée par la mafia et la domination des hommes sur des femmes qui doivent se taire et obéir. Elle quitte son pays pour être heureuse ailleurs, exister pleinement, prête à abandonner son mari s’il ne la rejoint pas sur le bateau ; elle a compris depuis longtemps que transiger, c’est se soumettre.

Ce premier roman, prometteur, inspiré de l’histoire de la famille de l’auteure est un hymne à la liberté. Giuseppa ne baisse jamais la tête. Enfant abandonnée, femme dans une société sexiste, peu épargnée, La Fortuna gagne elle-même son indépendance à force de volonté. Un beau récit émouvant sur le thème de l’émigration et le destin d'une femme montrant que tout est possible. Au cimetière d’Hammamet, en Tunisie, à l’ombre des remparts, dort un cimetière italien abandonné à l’écart des tombes musulmanes. «Peuple de Sicile, tu m’as souvent déplu. Mais je suis tienne. Je t’abandonne mais je ne t’oublie pas. Ici, je me rappelle de toi. Je baigne dans la même lumière. Je respire le même air sous la même végétation».

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 11/10/2019 )
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