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Littératureet Romans & Nouvelles  

Aux armes
de Boris Marme
Liana Levi 2020 /  19 €- 124.45  ffr. / 272 pages
ISBN : 979-10-349-0211-8
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

Guilty or not guilty ?...

Ce premier roman d’un professeur de français renvoie le lecteur à la société américaine vue de l’intérieur lors de la large diffusion, par tous les moyens modernes de communication, d’une fusillade dans un lycée. Depuis la tuerie de Columbine, un dispositif, qui a ses limites, a été mis en place dans chaque établissement, l’idée étant de mettre un policier dans chaque lycée pour assurer l’ordre et la sécurité au quotidien et, en cas d’attaque, pour neutraliser les assaillants.

Depuis huit ans, à Folkridge dans le comté de Farno, un des plus riches des Etats-Unis, Wayne Chambers, adjoint du shérif, veille ainsi sur le lycée. Un matin d’hiver, l’alarme sonne dans le bâtiment D, et des bruits étranges surgissent, des coups de feu. Wayne est prévenu par sa radio alors que, déjà aux alentours, des mots d’angoisse, d’urgence, de peur et d’horreur se répandent par SMS et sur les réseaux sociaux. La télévision fait état de l’éventualité d’une fusillade et relaie l’information. Le tueur a fait irruption vers huit heures et a tué quatorze lycéens, le visage dissimulé derrière un masque de minotaure ; puis il s’est suicidé. Wayne Chambers, tétanisé et paralysé par la peur, ne parvient pas à franchir la porte du bâtiment D, lieu du carnage. «Plus il lutte, plus il tente de chasser cette pensée, plus elle revient à l’assaut et lui crie que tout est de sa faute, il aurait dû savoir faire le bon choix, être là pour eux, il n’avait pas le droit de se tromper».

Cette culpabilité va faire de sa vie un enfer, à la fois parce qu’il est conscient de sa lâcheté mais aussi par le déchaînement des moyens modernes d’information qui sont plus néfastes que bénéfiques par l’hystérie qu’ils nourrissent. Quand le shérif comprend le déroulement des événements, il suspend Wayne de ses fonctions sans salaire. Les paraboles de télévision campent devant sa maison où il vit avec une mère survoltée. Il est devenu ce monstre, harcelé, insulté et menacé de mort au téléphone. Tous les médias sont d’accord pour l’enfoncer en soulignant sa faute. Une faute qu’il reconnaît mais il ne comprend pas ce déchaînement de haine.

La télévision organise une émission tournée en public avec un jury : «Guilty or not guilty» (coupable ou non coupable), diffusée sur le réseau national et sur Internet. Il faut répondre à la demande de spectacle de la population. Les médias ont créé une soif de curiosité, le besoin du spectacle, il faut aller jusqu’au bout. Mais cette curée médiatique change de victime quand un ouvrier trouve le téléphone du jeune tueur, rempli de vidéos horribles, de photos de lui-même tenant fermement le fusil d’assaut alors qu’il était connu comme un fils de bonne famille, un garçon sans problème. L’objet de l’agitation change complètement, on ne parle plus que de la violence chez les jeunes, l’usage des armes si facile aux Etats-Unis, ces sujets fascinant les auditeurs et les téléspectateurs. Le pauvre Wayne Chambers passe au second plan.

Ce roman illustre parfaitement l’importance prise par les moyens modernes et surtout les réseaux sociaux dans la diffusion de l’information. Ils excitent les pulsions de violence des individus en diffusant des rumeurs plutôt que des faits. Le récit est écrit dans un langage familier qui rapproche le lecteur des personnages. Un premier roman prometteur et touchant.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 10/01/2020 )
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