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Littératureet Romans & Nouvelles  

Vous n’aurez pas mes cendres !
de Patricia de Figueirédo
Serge Safran Editeur 2020 /  16,90 €- 110.7  ffr. / 192 pages
ISBN : 979-10-97594-47-3
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

Outre-tombe 2

. «Cette pièce devait être son apothéose. Cela faisait plus de dix ans qu’il n’avait obtenu un succès. Il vivait sur les reprises et les traductions de ses deux dernières pièces et de quelques scenarii pour la TV mais rien ne l’avait mis sur le devant des projecteurs. Avec «Vous n’aurez pas mes cendres» il était certain de tenir un succès. Peut-être le dernier».

Dans son appartement de l’île Saint-Louis, Serge Malakoff, jeune septuagénaire et dramaturge reconnu, un vieux beau fortuné, écrit ce qu’il pense être sa dernière pièce de théâtre. Celle-ci met en scène la visite imaginaire à Chateaubriand d’Emile de Girardin, l’inventeur de la presse moderne. Fondateur du quotidien La Presse, ce dernier y inclut des romans-feuilletons et innove en le finançant par la réclame ce qui lui permet de baisser le prix par exemplaire. Selon lui, toutes les catégories sociales doivent avoir accès au savoir. Les opinions, les intérêts légitimes doivent être représentés dans un journal pour donner le bien du plus grand nombre de lecteurs. Il vient demander au grand auteur, qui est à la fin de sa vie, l’autorisation de publier les Mémoires d’outre-tombe sous la forme d'un feuilleton.

Chateaubriand refuse absolument de voir saucissonnée de la sorte son œuvre, réservée aux intellectuels, grands esprits et élites capables de comprendre ses idées. Il faut prendre le temps de lire le développement de sa pensée. Ce que Girardin appelle information est de la propagande ; il a perdu sa liberté par rapport aux annonceurs. François-René est pour la liberté totale de la presse. La censure transforme l’information en mensonge. Il refuse absolument... mais, après sa mort, ses Mémoires paraîtront bel et bien en feuilleton comme les œuvres d'autres grands écrivains du XIXe siècle.

Le récit, entre deux scènes de la pièce, intercale la vie de Serge. Il a des hallucinations, des migraines, côtoie Chateaubriand au long de sa vie. Solitaire aujourd’hui, avec ses soucis de santé, des aventures féminines superficielles, et bien qu’imbu de sa valeur et sûr de lui, il décrépit de jour en jour. Mais il veut finir sa pièce, en confier la mise en scène à Bernard Murat et le rôle principal à Pierre Arditi.

Ce récit solaire et aérien fascine par l'aller-retour et les comparaisons proposées entre les deux siècles, autour de deux personnages principaux qui se ressemblent. Chateaubriand dit à Girardin : «Si je suis un homme à femmes comme vous avez la légèreté de ma qualifier, la raison est évidente : mes admiratrices reconnaissent en moi un homme d’exception. Il est vrai, je suis adulé. Cela se révèle par moments extrêmement éreintant». Ces mots peuvent s’appliquer à Serge Malakoff lui-même, qui voit un signe dans le fait qu’il est né à Roscoff, non loin de Combourg et de Saint-Malo où le maître repose sur le rocher du Grand Bé.

Bijou littéraire et bel hommage à Chateaubriand, le roman offre aussi un plaidoyer pour le journalisme moderne, grand progrès social et intellectuel du XIXe siècle.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 08/04/2020 )
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