L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

La Langue maudite
de Madi Belem
Plon 2020 /  18 €- 117.9  ffr. / 208 pages
ISBN : 978-2-259-28266-6
FORMAT : 13,7 cm × 21,1 cm

La race des génies

Madi Belem, né à Rabat en 1990, a joué à la télévision dans Le Baron noir. Son père Driss Belemlhi, éminent professeur de linguistique arabe et écrivain, lui a donné le goût de la culture et des arts. La Langue maudite est son premier roman.

Adam admire son père, écrivain marocain retiré de l'université, un puits de science qui se laisse mourir à petit feu à cause de l’alcool et de la cigarette bien qu’il soit à peine sexagénaire. Il est désespéré par l’ignorance et l’incurie de ses concitoyens, et l’inutilité de son œuvre. A quoi bon écrire si personne ne lit ?... Il pense que les autorités ont abruti la population en laissant de côté l’école, les analphabètes sont trop nombreux, la pauvreté a tout supprimé dans une civilisation autrefois brillante. Seul l’argent est roi. Adam considère son père comme un membre de la race des génies, loin au-dessus de la banalité.

Il a le charme du désespoir des êtres incompris et inutiles, frappé par le vide intellectuel du Maroc où les gens se ruent dans les cafés pour tuer le temps, sinon obnubilés par des soap operas turcs atteignant des sommets d’audience et de bêtise. «Les rares fois où j’accompagnais mon père à l’université, au temps où il était professeur de linguistique arabe et de poésie préislamique, je comprenais bien combien les lettres devenaient dérisoires dans mon pays».

Adam décide avec l’accord de ses parents de partir à Paris pour concrétiser ses ambitions artistiques ; il comprend alors que, comme son père, il ne jouera pas le jeu pour renoncer à ses idées et s’abaisser à une musique populaire qui endort les consciences. Le bac en poche, voici Adam à Paris, admiratif de la ponctualité du métro, à l’aise dans la foule hétéroclite des Halles. Il réussit à louer une chambre de bonne, un 6ème étage sans ascenseur, avide de liberté et d’amour.

Il veut parfaire son français, qui est celui d’un immigré, et s’inscrit au cours Florent où il aime apprendre les classiques. «Ma vie intérieure se remettait à battre un peu difficilement après cette énorme surcharge cognitive. J’ai fini par apprécier ma solitude. Le tout c’était de la ramener dans ce XXIe siècle où règne le manque de soi».

L’été il revient au Maroc où il voit s’éteindre son père qui le conseille dans sa vie d’artiste : «La fiction, c’est la libération de l’esprit». Cinq ans après la mort de son modèle, Adam se lance dans l’écriture. La Langue maudite est un récit autobiographique qui révèle un jeune écrivain en devenir. Un départ très prometteur.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 22/04/2020 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)