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Vie et mort de l'homme qui tua John Kennedy
de Anne-James Chaton
P.O.L 2020 /  18,90 €- 123.8  ffr. / 256 pages
ISBN :  978-2-8180-4770-5
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Malaise dans la civilisation

Publié en mars dernier, Vie et mort de l’homme qui tua John F. Kennedy d'Anne-James Chaton suit l’enfance et la vie adulte de Lee Harvey Oswald, puis le jour fatidique de l'assassinat. Chaton, écrivain et poète français, est connu pour ses livres L’Affaire la Pérouse, Elle regarde passer les gens, et ses collaborations musicales avec Alva Noto et Andy Moor. Son nouveau roman se distingue des autres œuvres, car il est plus biographique que poétique.

Totalisant 256 pages, le livre est divisé en cinq parties : «Avant (enfance à l'âge adulte)», «Les tirs (l'association elle-même)», «Après (la suite)», «L’interrogatoire» et «épilogue». La première partie constitue la majorité du roman et présente soigneusement Oswald au lecteur. Commençant par le foyer brisé de l'enfance, jusqu'à son temps chez les Marines et un mariage fragile, Chaton fournit les informations biographiques essentielles sur Oswald. Il mélange la narration à la troisième personne avec le dialogue et les témoignages des voisins et des collègues, créant un regard complet mais fracturé sur Oswald.

Le temps ralentit dans le chapitre «Les tirs», alors que Chaton insère des citations de témoins directs de l'assassinat. Le plus émouvant est bien sûr celui de Jackie Kennedy : «Oh, non, non, non. Oh mon Dieu, ils ont tiré sur mon mari». Chaton consacre des pages entières à ces citations, créant un sentiment de chaos et de confusion tel que les témoins réels l'auraient vécu. Le reste du roman défile dans un flou ; nous suivons la poursuite d'Oswald à travers les yeux d'un nombre encore plus grand de témoins, alors qu'il tue un policier dans sa tentative d'évasion. Il est capturé, interrogé et finalement assassiné.

Le personnage d'Oswald est pour le moins perturbant. Avec ces témoignages épars, le lecteur apprend à connaître ses motivations et ses opinions. Sa politique est idéaliste, presque au point de l’impossibilité. Il déteste les États-Unis et trouve un intérêt dans le communisme pendant son temps chez les Marines. Dans sa recherche d'un pays à la hauteur de ses idéaux, il émigre en Union soviétique ; cependant, il trouve là la pauvreté et un travail insatisfaisant au lieu du paradis communiste dont il rêvait. Après avoir rencontré sa femme, le couple rentre aux États-Unis et a deux enfants. Aucun des deux pays ne peut répondre aux attentes de l'homme, et sa désillusion contamine son mariage et ses relations avec sa famille. La désillusion, la colère et la pauvreté s'avèrent être la recette du fanatisme.

En dépit de cet aperçu de la vie d'Oswald, le lecteur reste à distance de ses plans et de ses pensées. Nous sommes comme des voyeurs, pas tout à fait des initiés mais pas tout à fait des étrangers non plus. Dans la fomentation de l'assassinat, nous voyons Oswald faire des achats d'armes. Alors que nous savons où mèneront ces achats, Oswald ne révèle pas ses plans sinistres dans le récit.
Bien que le bandeau du roman affirme «Ils n'ont aucune preuve», il semble que Chaton croit clairement à la culpabilité d'Oswald. Entre les déclarations des témoins, l'achat d'armes, son histoire politique et ses intérêts, Oswald est définitivement le coupable. Malgré ces preuves, les théories du complot se répandent toujours, en particulier aux États-Unis. Le meurtre d'Oswald par Jack Ruby suscite le plus de suspicion. Pourquoi a-t-il été tué avant un procès ? S'agit-il d'une organisation du gouvernement ou de la CIA ? Alors que la motivation officielle a été décrite comme l'expression d'une détresse face à la mort du président, le doute persiste dans l'esprit du peuple américain.

Chaton a abordé l'événement controversé sans parti pris ; bien qu'il ne se soit pas détourné des critiques de la société américaine par le biais d'Oswald, il ne l'a pas condamnée non plus. Chaton fournit les faits et une recherche minutieuse qui permettent au lecteur de forger sa propre opinion sur la question. Que le lecteur pense qu'Oswald est coupable ou non, Vie et mort de l'homme qui tua John F. Kennedy enquête sur l'insatisfaction et le malaise politique ayant mené au meurtre infâme d'un président, révélant un profond malaise dans la société américaine.

Elizabeth McGinn
( Mis en ligne le 18/05/2020 )
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