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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Colère
de Alexandra Dezzi
Stock - La Bleue 2020 /  18,50 €- 121.18  ffr. / 120 pages
ISBN : 978-2-234-08898-6
FORMAT : 13,6 cm × 21,5 cm

Une femme, des hommes

Dès le début du deuxième roman d’Alexandra Dezzi, un mystère domine la vie de l’héroïne. La narratrice se dit «sa conscience». Est-ce une autofiction ? Nous assistons à un dédoublement de personnalité induit par ce traumatisme qui date de dix ans et perturbe fortement la jeune femme de vingt-neuf ans, sa conscience ne faisant que constater ses erreurs, les raisons de la vie dissolue de cet être anonyme aux comportements mécaniques. Sa liberté sexuelle n’est pas consentie et ne relève en rien du plaisir, elle induit au contraire un désordre psychique intérieur jamais révélé. Elle semble vouloir se punir... mais de quoi ?

Elle se laisse manipuler par des jouisseurs indifférents, attirés par son joli corps, pour des relations rapides. Elle entretient un rapport malsain de séduction physique que l’on ne comprend qu’au milieu du récit. Aucun sentiment, aucune émotion ne sourd du roman ; rien que des orgasmes. Elle est une ancienne chanteuse de rap, qui, avec sa sœur devenue taiseuse, apprécie le silence ; elle a écrit un roman qu’elle va éditer. «C’est lui ou toi. Détruire l’autre. Tu jouis de t’approcher de ces rivages (...). En fait il s’agit de ton goût pour la vie. Pour le profond. L’insondable. L’infernal. L’insupportable. La fièvre. Tu veux connaître les frontières qui séparent la vie et la mort, ces deux sœurs».

Son corps a été détruit à un moment précis, elle le venge en mettant son esprit en veilleuse. Elle se défoule dans la boxe et le sexe avec des hommes qui ne sont que des numéros dans un ordre régressif et interchangeable, mais toujours dans un rapport de forces. Avec ses qualités athlétiques, elle a besoin de se sentir vivante et dominer l’autre ; les deux pratiques se rejoignent. La colère est une façon de se révéler à soi-même, de reprendre le dessus sur les hommes, et même si elle se méprise profondément, elle a besoin de se reconstruire en empruntant ce chemin improbable.

Ce rapport physique aux mâles est exploré dans une langue crue, décomplexée, érotique qui va vers une lente rédemption. C’est un roman urbain, féminin, choc mais pas vulgaire, où ne sont exclus ni le romantisme noir ni la tristesse, ni le mal-être. Reste malgré tout, à la lecture, un sentiment d’inachevé, parfois de superficialité. Ou bien l’auteure, féministe, ne va-t-elle pas au bout de sa pensée ?...

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 16/09/2020 )
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