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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Garçons de l’amour
de Ghazi Rabihavi
Serge Safran Editeur 2020 /  23,90 €- 156.55  ffr. / 425 pages
ISBN : 979-10-97594-97-8
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

Christophe Balaÿ (Traducteur)

Perses persécutions

Ghazi Rabihavi, né en Iran en 1956, s’installe à Théhéran à 22 ans, quand la Révolution islamique éclate avec la fin du règne du Shah et de la SAVAK, sa redoutable police secrète. Ils laissent la place au nouveau pouvoir religieux et intégriste des Hezbollahi, qui sont au-dessus des lois. Dès les années 80, l’Iran entre en guerre contre l’Irak. Incarcéré pour ses écrits, interdit de publication, Ghazi Rabihavi s’exile à Londres en 1995 où il écrit des romans, produisant aussi pour le théâtre et le cinéma. Les Garçons de l’amour est son premier roman, remarquablement traduit du persan et postfacé par Christophe Balaÿ.

Seul garçon d'une fratrie de quatorze filles, né de la troisième épouse de son père, certainement tuée en couches par les deux autres, Djamil porte le poids de toutes les ambitions politiques de son père Hajji, notable et grand propriétaire dans un village du sud de l’Iran ; ce dernier a fait le Hadj à la Mecque, ce qui renforce son influence, et veut un avenir brillant et sérieux pour son fils qu’il a scolarisé. Malheureusement, Djamil aimerait être danseur et parcourir le monde, quitter sa vie étriquée faite de contraintes familiales.

Ce récit émouvant est narré par Djamil à l’adresse de son premier et unique amour Nadji, jeune villageois illettré, pêcheur au corps de rêve qui, adolescent, se prostituait auprès des hommes pour soigner sa mère. Cet amour est absolument interdit et sévèrement puni en Iran. La réprobation et la menace de la famille bourgeoise précipite leur fuite en ville. Mais la Révolution islamique des Mollahs et leur police interdit toute manifestation artistique ; Djamil ne peut plus danser et Nadji doit cacher son violon. Ils quittent l’Iran vers les Émirats et sont exploités comme des esclaves sur un des nombreux chantiers de construction. Les malheurs ne feront que se poursuivre...

Le thème de ce roman interdit en Iran et publié en persan au Royaume Uni est celui d'une redoutable provocation envers le pouvoir religieux iranien. Le récit ne recherche pas l’érotisme à tout prix mais exhale une délicate sensualité, abordant sans pudeur particulière, et avec réalisme, le thème de la sexualité masculine. Long monologue d'un Djamil enfin installé en Europe, le texte est adressé à son premier amour de jeunesse, dont l'importance est accentuée par la perte. Il règle ainsi ses comptes avec sa propre conscience : «La douleur, les milliers de douleurs, sans remède qui tous les jours se précipitent dans ma tête pour pouvoir se montrer chacune à leur tour. (…) Le miracle de l’écriture m’attire vers toi avec force avant de créer entre toi et moi la distance qui me permet d’être délivré de toi qui pour moi est à présent devenu un lui».

Ce roman, donc exceptionnel dans le paysage littéraire iranien, aborde un thème qui prend à rebours la loi et les codes culturels du pays, une société bridée face à la modernité. L’homosexualité est toujours en théorie punie de mort en Iran. Selon une dépêche britannique publiée en 2008 par WikiLeaks, le régime des mollahs en Iran a exécuté «entre 4000 et 6000 homosexuels et lesbiennes» depuis la révolution islamique en 1979.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 23/09/2020 )
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