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Littératureet Romans & Nouvelles  

L'Écho du lac
de Kapka Kassabova
Marchialy 2021 /  22 €- 144.1  ffr. / 480 pages
ISBN : 979-10-95582-63-2
FORMAT : 13,6 cm × 19,5 cm

Morgane Saysana (Traducteur)

Lacs oubliés…

Née en Bulgarie, élevée en Nouvelle Zélande, vivant aujourd’hui en Ecosse, Kapka Kassabova, poétesse et écrivain, s’était fait remarquer par un premier texte qui explorait les frontières des Balkans, Lisière : un voyage aux confins de l’Europe (Marchialy, 2020), qui avait obtenu le beau prix Nicolas Bouvier.

Elle poursuit son exploration de cet univers balkanique avec L’Echo du lac, récit dans lequel elle décrit son retour aux sources. Sa grand-mère maternelle est originaire du lac d’Ohrid, et si l’histoire familiale est celle d’exils successifs, elle a éprouvé le besoin de revenir dans cette région peu connue, aux confins de l’Albanie, de la république Macédoine du Nord et de la Grèce. Un région à l’écart de la prospérité, enfermée dans des frontières dues à l’Histoire, qui n’ont rien de naturel et traversent deux lacs : le lac Ohrid et le lac Prespa. Deux lacs proches et pourtant différents : Ohrid plus lumineux, Prespa dont les femmes dès leur enfance ne sont habillées que de noir à l’image de son eau. Des régions montagneuses, difficiles d’accès.

Kapka Kassabova sait faire vivre ces paysages lointains, elle en révèle l’épaisseur tissée par la trame des histoires successives de leurs habitants. Habitants qui depuis les époques les plus anciennes vivent des temps tragiques faits de guerres civiles, de luttes entre clans, de massacres et d’invasions. De l’extérieur vient la menace, jamais le secours… De ces drames les noms des villages portent le souvenir : Village-des-gens-mauvais, Village-d’écorcheur-de-loup, Village-des-immigrants, Village-des-gens-sans corps, Village-des-yeux-crevés…

«A qui appartenez vous ?», est la première question toujours posée à la voyageuse étrangère qui doit comprendre : quelle est votre famille ? En fait, au fil du récit, s’impose au lecteur la conviction que ces populations appartiennent à ces lieux mystérieux, tel ce personnage rencontré à Ohrid, Gotse Zuhra : «assis sur la colline, le bleu spectral de l’eau, de la montagne et du ciel offrait une image du monde en paix si sublime, si immortelle, que nous avons tous les deux été pénétrés de gratitude».

De ces terres qui furent naguère le royaume de Philippe de Macédoine et d’Alexandre le Grand, Kapka Kassabova rencontre à la fois la beauté et l’horreur. Horreur lorsque des survivants du régime d’Enver Hoxha évoquent les heures terribles de l’Albanie totalitaire. Beauté qui s’impose malgré tout, menacée peut-être aujourd’hui par d’autres dangers, en particulier le tourisme. Un beau livre qui donne envie d’en savoir davantage sur ces régions perdues au fond de l’Europe…

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 01/09/2021 )
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