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Littératureet Romans & Nouvelles  

Tokyo la nuit
de Nick Bradley
Belfond 2021 /  21 €- 137.55  ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-7144-9423-8
FORMAT : 14,2 cm × 22,6 cm

Maxime Berrée (Traducteur)

Un chat dans la nuit….

Nick Bradley (né en 1982), anglais, a vécu une dizaine d’années à Tokyo. Tokyo la nuit est son premier roman, et l'auteur a placé en exergue un poème de Hagiwara Sakutaro, intitulé ''Un chat bleu'' : «Ah! La seule chose capable de dormir dans cette grande nuit urbaine / Est l’ombre d’un chat bleu / L’ombre d’un chat qui raconte la triste histoire des hommes».

Ici, le chat n’est pas bleu mais calico (c’est-à-dire blanc avec des taches oranges et noires) et c’est une chatte aux yeux verts qui apparait dans les premières pages, tatouéem à son insu, sur le dos d’une intrigante jeune fille. Celle-ci a exigé d’un vieux tatoueur expert dans son domaine, et quasiment seul à utiliser les méthodes traditionnelles, qu’il lui grave dans le dos la ville de Tokyo. Et ce dans un pays où le tatouage est mal toléré, signe des yakuzas, et jamais au grand jamais adopté par des femmes.

Le récit se place ainsi d’emblée dans l’étrangeté et le fantastique. Après ce chapitre initial, suivent quatorze chapitres qui peuvent se lire comme autant de nouvelles et mettent en scène des tokyoïtes variés, clochards âgés qui tentent de survivre dans une ville hostile qui doit être nettoyée avant les Jeux olympiques, étrangers (''gaijin'') fascinés par le Japon et qui viennent s’installer à Tokyo, jeunes femmes ambitieuses qui rêvent d’épouser un ''gaijin''¿¿. Passe aussi un ''hikikomori'', nom donné à ces adolescents et jeunes adultes qui refusent de sortir de leur chambre où ils vivent dans un autre monde, celui de l’univers Internet. Pour raconter ce comportement, l’auteur adopte deux formes littéraires : le récit classique et le manga.

En apparence sans lien entre elles, ces vies sont reliées par deux fils ténus : le chat aux yeux verts (ou est-ce la jeune fille sous une forme féline ?...) qui circule d’un chapitre à l’autre, voyeur discret et quasi invisible, et l’oeuvre d’un auteur de fiction, Nishi Furuni, alors disparu, mais dont les descendants sont des personnages à part entière de ce Tokyo, la nuit.

Outre la description de Tokyo, de sa diversité, de ses quartiers opposés et grouillants de vie, Nick Bradley sait faire vivre des héros discrets qui incarnent chacun à sa façon une facette de la ville et d’un pays qui résolument invente sa modernité dans une culture traditionnelle. Entre fantastique et réalisme, un roman qui se lit d’une traite sur une ville fascinante, présentée dans son gigantisme, sa foule grouillante, la solitude urbaine à tous les étages.

Ajoutons une mention spéciale pour la belle couverture de Mariko Aruga, auteure également des illustrations dans le texte.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 06/09/2021 )
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