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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Futur immédiat
de Dominique Rolin
Gallimard - Blanche 2002 /  12.52 €- 82.01  ffr. / 115 pages
ISBN : 2-07-076339-0

Jules est Jim

A 87 ans, Dominique Rolin n’a pas peur de la mort. La preuve : elle l’écrit sur cent quinze pages. Pour contrer le temps, qui, dans sa fuite inexorable, la rapproche sans cesse de l'inéluctable, elle se réfugie dans ce qu’elle nomme le futur immédiat, "des illuminations insaisissables à première vue, jaillies en direct du fond de ma tête sans qu’il soit possible de les prévoir". Mais, sitôt envolés, ces miracles éphémères qui feraient presque croire à l’éternité laissent place à l’idée de mort. Pourtant, explique sentencieusement l’auteur, ils sont la seule manière de vivre dignement, de s’élever au-dessus des marécages de la médiocrité.

Dans cette quête incessante du futur immédiat, Jim est un partenaire de choix. C'est l’être dionysiaque avec lequel Dominique Rolin aime à célébrer dans ses romans les trois "fêtes majeures" : le vin, la musique et le sommeil. Jim n’est pas précisément son Jules mais plutôt sa muse, son âme siamoise, l’être mythifié avec lequel elle met en scène "la divine comédie du bonheur de vivre". Cet "amoureux", c’est évidemment Sollers, comme on le sait depuis le Passion fixe de Philippe et le Journal amoureux de Dominique. Son nom n’apparaît jamais, mais il écrit "son Mozart", dédicace "son Dante" au Vatican, aime Venise et Casanova... Depuis qu'ils se sont reconnus comme de brillants esprits promis fatalement l'un à l'autre, ils goûtent la vie à sa juste valeur, laissant le médiocre à son existence fade, inutile, dépourvue d’exaltation.

Le Futur immédiat est un roman introspectif au sens le plus plat du terme : les états d’âme de l’auteur sont délayés longuement (je-m’ennuie-mais-je-suis-sereine, j’ai-du-mal-à-terminer-ma-page, l’écriture-quelle-expérience-extrême-mais-néanmoins-nécessaire, je-fais-de-drôles-de-rêves, Jim-me-manque-mais-il-est-dans-mes-pensées-et-ça-me-suffit, etc.). Hélas, la frontière ténue entre introspection et égocentrisme est ici franchie, pour atteindre à la paranoïa aiguë. Dans un passage hilarant, l'auteur s’offusque de trouver des clients ("des salopards") dans le café où elle a ses habitudes. Aussitôt elle comprend : ils sont là pour la piéger. Furieuse, elle "leur crache dessus moralement" avant de "quitter les lieux avec noblesse". Certes, il s’agit d’un roman, et tout ceci relève de la formule imagée. Mais ce complexe de supériorité affleure à toutes les pages et, de "comprenne qui pourra" en "Jim et Moi savons", devient ridicule.

Hymne au bonheur, manifeste d’un acquiescement définitif à la vie, ce Futur immédiat ? Tout cela est trop pontifiant pour convaincre.

Olivier Cleuet
( Mis en ligne le 25/01/2002 )
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