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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Part des anges
de Marie Cazaux
Editions du Rocher 2002 /  12 €- 78.6  ffr. / 111 pages
ISBN : 2268043614

De l'autre côté de soi

Les livres qui marquent sont souvent ceux qui brillent par leur apparente modestie et qui savent déconcerter ce qu’il y a de plus incrédule en nous. La Part des anges est de ceux-là. Dès les premières lignes de ce court roman, la stupeur s’agrippe aux phrases. La lecture rétrograde, tremble. Elle trébuche dans l’enfer d’un internement psychiatrique : une jeune femme qui souffre et qui confesse «que la folie comme la naissance est une curieuse conjugaison du bestial et du sublime, odeur de sang et de sainteté».

On est d’emblée frappé par la confondante lucidité de cette femme perdue dans un cimetière de neurones. Et puis il y a cette poésie foudroyante, ultime coulée de mots qui glisse à la lisière de l’abîme ! Perte de dix kilos en deux mois ; impression de mourir vive ; souvenirs d’amours défuntes ; idée de la mort qui se faufile lentement… En marge de son tête-à-tête avec la folie, l’âme déchirée croise dans les couloirs une nymphomane en cuissardes, «des vieillards de trente ans et des enfants de soixante» et sa propre vie, exsangue, en stationnement devant les sorties de secours.

Foucault parlait de «l’indissociable équivoque» de l’internement, imposé à la fois «à titre de bienfait et à titre de châtiment». Ici, le châtiment est à chaque page, il oppresse, il exile aux tréfonds de l’abjection. Mais au-delà du seul châtiment, Marie Cazaux nous offre, dans l’expansion d’un style radieux, les indices d’une rédemption. Celle-ci passe entre autres par l’écriture qui cherche une innommable vérité. Ce que cette vérité révèle, ce sont justement les anges qui l’emportent, laissant derrière eux l’être qui survit au cauchemar.

Bertrand de Sainte Marie
( Mis en ligne le 01/12/2002 )
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