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Sans frigo de Renaud Ambite J'ai lu - Nouvelle génération 2003 / 4 €- 26.2 ffr. / 155 pages ISBN : 2-290-32842-1 FORMAT : 11x18 cm Roman paru une première fois aux éditions du Castor Astral en 2001. Un père orphelin Il n’y a pas de mot pour des parents sans leurs enfants, pour des pères sans famille. On est orphelin de ses parents mais il n’y a pas de nom pour ces individus que leurs enfants ont quittés, vers d’autres horizons. Tel est le cas du narrateur mis en scène par Renaud Ambite. Cet homme anonyme vit solitairement dans un appartement peuplé de fantômes, ces souvenirs accrochés au plafond. Il vit en errance dans un Paris dont il nous livre les charmes, dans un quartier qu’il inspecte de sa fenêtre, monde entre trois rues où il compte un grand ami. Alco est un épicier haut en couleur, immigré fier d’être en France, pointilliste de la langue française, expert ès Bescherelle, poète et linguiste agaçant. «Il prenait racine. Par la langue.» (p.86) Si on était au cinéma, il aurait l’oscar du meilleur second rôle. Sans frigo est le récit d’une solitude. L’auteur tresse deux histoires : à l’évocation du quotidien, de la solitude et des malaises qu’elle provoque, succède celle du temps perdu et d’une déchéance : la vie de couple, le mariage, un enfant, le divorce et la fuite du fils devenu majeur. Le ton est désabusé, d’une apathie confinant à la tristesse mais d’une tristesse adulte, non pas larmoyante et élégiaque, juste abasourdie. Parfois, l’évocation presque désincarnée du quotidien rappelle Butor et son Emploi du temps, un peu d’humanité et de tendresse en plus. Et puis, un jour, flânant dans la ville, cet anti-héros croit tomber sur son fils, Bruno. Il court après lui. C’est le début d’une quête, de la recherche de cet enfant disparu, et, dans la foulée, de ceux éparpillés qu’il a semés aux quatre coins de France avec l’aide d’une banque du sperme. Il quadrille le Midi français pour y débusquer des ressemblances, des airs de famille qui identifieraient sa progéniture. Cette croisade absurde et brouillonne est l’exutoire qu’il s’est choisi pour fuir son plafond, une alimentation minimaliste et ce passé qui radote. L’odyssée méridionale est l’occasion de rencontres humaines, d’étincelles d’espoir, de rêves avivés. On regrette d’ailleurs qu’elle ne se prolonge pas. Le livre se lit trop vite, ce qui signe sans doute sa belle valeur. Mais cette expédition n’est-elle pas aussi le point d’orgue d’un lent déclin ? Le point de rencontre entre ces deux époques, le passé grisâtre, simplement saupoudré de moments de joie, et ce présent qui n’en est que la suite logique ?... Renaud Ambite livre avec Sans frigo un second roman poignant et attachant. Le point de vue d’un homme quitté par sa vie abat tous les clichés sur la force du «premier sexe». Sans pudeur mais avec sobriété, le narrateur se livre. On comprend sa mélancolie, son abattement et ces petites faiblesses de tous les jours, admirablement traduites par un épisode particulier : celui où le père de famille doit découper, désemparé, le gâteau dominical chez ses beaux-parents !... Citons encore la mort tragique du frigo ou l’infernale expédition chez l’épicier, la liste des courses, véritable décalogue à suivre à la lettre, en mains. Il s’agit donc d’un roman à lire qui, répétons-le, méritait sans doute une centaine de pages supplémentaires. Bruno Portesi ( Mis en ligne le 03/08/2003 ) |
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