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Cosmétique de l'ennemi
de Amélie Nothomb
Albin Michel 2001 /  12.02 €- 78.73  ffr. / 144 pages
ISBN : 2 226 12721 6

Jérôme/Textor

Amélie Nothomb affectionne les dialogues. Dans Cosmétique de l’ennemi, on retrouve son goût immodéré pour les joutes oratoires, où les remarques venues tout droit d’un comptoir du café du commerce voisinent avec des références à Spinoza ou à Pascal.

Deux héros : Jérôme Angust, le bien-nommé, et Textor Texel. Tiens, ce nom là sonne un peu comme le Pretextat Tach du premier roman d’Amélie, Hygiène de l’assassin. Il avait le goût des dates anniversaires, souvent macabres, des assassinats comme preuves irréfutables d’amour et des nourritures infâmes. Jérôme et Textor l’ont également. Mais on le sait, quand elle ne fait pas référence à son enfance, Amélie Nothomb tisse et retisse sur les mêmes thèmes sa toile éternelle où domine la recherche de l’absolu.

Ici, Jérôme Angust, coincé dans un aéroport en attente d’un improbable avion, rencontre un bavard, Textor Texel, persuadé d’avoir tué – indirectement – un petit copain de classe qu’il détestait. Ce personnage est l’antithèse de Jérôme Angust. Ou plutôt son double négatif, tout ce qu’il déteste, bref son ennemi intérieur. Il lui raconte toute sa vie jusqu’au point culminant qui va faire de Jérôme Angust et de Textor Texel une seule et même personne.

On apprécie les réparties, les parenthèses et les rebondissements dans des dialogues ciselés jusqu’au dénouement. Mais, lancée à toute allure dans la construction de son ouvrage, Amélie Nothomb néglige parfois la logique. Si les répliques s’enchaînent, une lecture plus attentive soulève, cependant, quelques questions. A qui appartiennent réellement les souvenirs d’enfance de Textor ? L’assassinat par intérim du petit copain de classe, le goût prononcé pour la "malbouffe" ne seront jamais revendiqués plus tard par Jérôme. Et même si Textor invoque à ce sujet la volonté d’inhibition de son double, le lecteur se trouve légèrement déstabilisé par ce soudain défaut de rigueur. Du coup, la fusion de Jérôme Angust et de Textor Texel ne constitue plus un aussi joli coup de théâtre.

Malgré ce bémol, l’idée d’un dialogue entre un homme et sa conscience - un grand classique de la littérature – est ici exploitée avec la verve et l’acidité habituelle d’Amélie Nothomb. Sa culture est toujours aussi efficace et l’un des avantages de ses livres, c’est de faire travailler nos petites cellules grises tout en s’amusant. Pour son dixième roman, Amélie a fait du Nothomb. On est heureux de la retrouver, en toute complicité.

Geneviève Duchemin
( Mis en ligne le 22/08/2001 )
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