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Littératureet Romans & Nouvelles  

Impostures
de John Banville
Robert Laffont - Pavillons 2003 /  22.00 €- 144.1  ffr. / 340 pages
ISBN : 2-221-09268-6
FORMAT : 16 x 24 cm

Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle
Albaret-Maatsch


Mystific… tion !

«Le mensonge est chez moi une seconde, non une première nature. Toute ma vie, j’ai menti. J’ai menti pour m’échapper, j’ai menti pour être aimé, j’ai menti pour m’assurer une position et un pouvoir ; j’ai menti pour mentir. C’était un mode de vie ; à une lettre près, mentir c’est mentis, la vie de l’esprit», avoue Axel Vander, le narrateur d’Impostures au tout début du roman.

Universitaire reconnu dans le domaine de la philosophie, il reçoit dans sa Californie d’adoption une lettre troublante qui pique sa curiosité. Une jeune femme qui lui écrit d’Anvers prétend en effet avoir découvert quelques vérités dérangeantes sur un passé bien trouble. Axel accepte alors de participer à un colloque sur Nietzsche prévu en Europe, à Turin, afin de rencontrer la mystérieuse Cass Cleave. «D’un côté, il y avait le je que j’avais été avant que la lettre n’arrive et de l’autre ce nouveau je, curieux pronom personnel en porte-à-faux par rapport à tous ces repères connus qui me devenaient subitement étrangers.»

Pour le lecteur, tout le jeu consiste à cerner ces deux «je» insaisissables dont le narrateur bien peu fiable s’amuse à brouiller les contours. Vieil homme hanté par la déchéance physique dont il se plaît à énumérer les signes, Axel dresse le portrait d’un mystificateur, cruel et immoral. John Banville dit s’être inspiré pour son personnage de deux intellectuels à la réputation sulfureuse, le Français Louis Althusser qui, après avoir étranglé sa femme en 1980, passa la fin de sa vie en hôpital psychiatrique, et Paul de Man, d’origine belge, universitaire à Yale dont on découvrit quelques années après sa mort les sympathies pro-nazies.

Contre toute attente, l’apparition de Cass Cleave va modifier la donne. La jeune femme, rongée par le syndrome de Mandelbaum, qui se situe à mi-chemin entre «la psychose maniaco-dépressive et la démence avérée», n’en est pas moins tout à fait lucide par moments. La relation complexe des deux personnages tient du combat entre le Diable et l’Ange. La mission salvatrice qu’elle se doit d’accomplir apparaît à Cass : «Tout était si simple, si simple et si clair. Les signes avaient été là tout du long. Tout avait un sens, une fonction, une place dans le plan et rien ne serait perdu.»

Émergent alors des explications qu’Axel, touché par la grâce, livre peu à peu. Du titre original Shroud (le Saint Suaire de Turin, dont l’authenticité est aussi discutable que celle du moi – philosophie défendue par le narrateur), aux nombreuses références artistiques, jusqu’à la structure en triptyque du roman, le symbolisme religieux est omniprésent. John Banville manie l’ironie de main de maître. Dans la bouche d’Axel, «le terme amour prend… des accents de blasphème», et pourtant, c’est bien d’une rédemption par l’amour qu’il s’agit. L’écrivain irlandais excelle également à suggérer sans dire. Décrivant dans la seconde partie (celle de la confession d’Axel) la Belgique en proie aux sirènes du nazisme, il choisit la sobriété et l’atmosphère onirique pour dénoncer l’horreur. Alliant superbement réflexion philosophique, métafiction et poésie, Impostures est un magnifique roman à découvrir toutes affaires cessantes !

Florence Cottin
( Mis en ligne le 19/01/2004 )
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