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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Lendemain du quatrième soir
de Audrey Benoit
Flammarion 2005 /  16 €- 104.8  ffr. / 196 pages
ISBN : 2-08-068697-6
FORMAT : 14 x 21 cm

Portrait de dame avec groupe

Ils sont trois : Marco, Philippe et Anthony. Trois représentants du sexe fort. Trois archétypes masculins pour lesquels Lou, l'héroïne du roman, « tombe en amour » successivement. Le premier est un séduisant mythomane, qui s'invente une famille, des voyages et des journées mouvementées pour masquer précisément l'immobilité de son existence. Sa peau est « épaisse et douce. Ses fesses sont rebondies, dures, un peu poilues. Ses jambes longues et solides  ». Le deuxième, plus âgé, jouit d'une situation professionnelle et financière confortable. Il a « la stature des vieux héros hollywoodiens, grand aux épaules bien carrées, musclé mais fin, athlétique ». Le genre rassurant. Quant au troisième, c'est un jeune chien fou d'artiste, passionné et excessif. Lui a « la peau douce et fraîche » et « des soleils au fond de ses yeux verts ». Des archétypes, on vous dit. Il faut dire que Lou est elle-même une montréalaise « très belle » et « promise à un avenir brillant dans le monde de la communication ». Elle ne peut pas coucher avec n'importe qui non plus…

Audrey Benoît, l'auteur du roman, est canadienne et trentenaire comme son personnage. Elle a derrière elle une carrière de mannequin et déjà deux livres à son actif. La découverte de ce pedigree, ajoutée à la lecture de ce qui précède, peut donner envie de fuir un livre que l'éditeur présente comme un « roman sur l'engagement amoureux […] qui poursuit en filigrane une réflexion sur la nouvelle condition féminine ». Si l'on fait ce choix, on n'aura pas perdu grand-chose de la réflexion sur cette fameuse « nouvelle condition féminine », laquelle ne saurait se limiter aux aventures sentimentales et au plaisir physique d'une bourgeoise bohême québécoise. Et on ne passera pas à côté du livre du siècle question engagement amoureux.

Si en revanche, on se décide à ouvrir le roman en le débarrassant d'emblée de la lourde tâche d'être représentatif d'autre chose que de lui-même, on découvrira un portrait de femme sinon attachant - Lou ne l'est pas vraiment - mais du moins intime et probablement sincère. On verra comment chacun des amants de la jeune femme révèle en elle - et l'étouffe à la fois - une aspiration à quelque chose de supérieur. D'épisodes amoureux en moments intimes, de monologues intérieurs en discussions avec sa confidente Marie-Pierre, son miroir déformant / réfléchissant, on verra comment Lou oscille entre le besoin d'affirmation de soi-même et le plaisir de l'abandon à l'autre. Aspiration profonde ou paravent sur un vide intérieur, ni Lou ni ses amants ne savent comment prendre son désir de création artistique. Ni quelle place il occupe vraiment à côté du besoin d'amour et du désir physique. Ce sont ce balancement, cette incertitude qui nous parlent.

Malgré une certaine propension à la facilité (les fins de chapitre qui reprennent systématiquement la même formule), malgré quelques passages convenus et une certaine banalité des situations, Le lendemain du quatrième soir est un ensemble qui se tient. Sans laisser une impression impérissable, le portrait romancé qu'il donne de l'auteur ouvre des perspectives familières sur la relation amoureuse. Et en bon lecteur mâle, on se demande ce que donnerait la même histoire… du point de vue des trois amants.

François Gandon
( Mis en ligne le 18/05/2005 )
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