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Littératureet Romans & Nouvelles  

Loin de quoi ?
de Laurent Sagalovitsch
Actes Sud - Domaine français 2005 /  18 €- 117.9  ffr. / 170 pages
ISBN : 2-7427-5300-1
FORMAT : 12,5cm x 18,5cm

Popeck + temesta = Bacri !

Il s’appelle Simon Sagalovitsch (écorchez son nom de l’oubli d’un «s» ou d’un «t», et vous finirez en enfer !), est issu d’une famille juive à quelques égards typique de région parisienne – la mère ultra-possessive et pesante, le père poète et réfractaire aux affres électroniques de la modernité, un frère au contraire branché high-tech et une sœur siamoise, confidente intime, animée sans doute des mêmes névroses. Les siennes à lui ? Outre cette famille, propre à alimenter pour des décennies des conversations sur divan, peut-être un rejet de la France comme terre/racines : «Va-t’en Simon. Va-t’en. Tu ne vois pas que tu perds ton temps. Tu es à peine français, tu es né par erreur ou par défaut, simple question de perspective, à Montreuil-sous-Bois, tu n’es pas à blâmer mais tu n’a jamais aimé la France, la littérature française, le cinéma français, le gouvernement français, les femmes françaises, les villes françaises, les banlieues françaises, même le pastis tu ne le supportes pas…» (p.38)

Alors, il quitte tout, famille, travail, copine, pour les horizons canadiens, Vancouver, la Côte Ouest sans les Etats-Unis, mais presque. Là, pas vraiment débarrassé de sa hargne, il trouve au contraire à l’alimenter contre ses nouveaux concitoyens, une compagne hollandaise pas méchante mais assez allumée, et quelques immigrés français, comme lui… «Sans même m’en rendre compte, j’avais attrapé la malédiction du juif errant, jamais bien nulle part, toujours à la recherche d’un paradis qui n’existait que dans les livres d’enfants» (p.167).

L’auteur, homonyme du narrateur, joue avec les références, jongle avec les stéréotypes, riant jaune de son histoire et de son identité juives, comme seul un juif sait et peut le faire. Et l’on sourit donc avec lui. Comme si l’humour juif à la Popeck avait été greffé ici sans rejet d’une grogne à la Bacri. D’ailleurs, cynisme, coups de gueules et déprime traitée au temesta font de notre juif francophobe un français plutôt exemplaire. Ajoutons à cela un penchant pour l’alcoolisme et un certain nationalisme footballistique et Simon se trouvera à vos yeux nimbé d’une parfaite aura tricolore ! «Parfois, je me dis que ma vie débutera vraiment le jour ou les Verts deviendront champions d’Europe» (p.101) ! Sans parler d’une belle maîtrise de la langue de Molière…

Bref, pince sans rire, savoureux, voici une sorte de one-man-show littéraire, stand up d’un écrivain roublard qui sait se jouer de ses fantômes identitaires. On recommande chaudement !

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 03/02/2006 )
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