L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

Jours de Juin
de Julia Glass
Editions des Deux Terres 2006 /  22 €- 144.1  ffr. / 654 pages
ISBN :  2-84893-029-2
FORMAT : 13,5cm x 20,5cm

Traduction d'Anne Damour.

Nostalgie chic des jours heureux

Lauréate en 2002 du prestigieux National Book Awward, Julia Glass est inconnue en France. Les Editions des Deux terres publient aujourd’hui Jours de Juin, avec une fort belle couverture d'un plumage, discrète introduction à un univers romanesque où les chants d’oiseaux sont constants et où une perruche, Felicity, tient une place importante. Le livre est soigné, agréable à tenir en main.

On pénètre doucement dans cette histoire en trois chapitres qui par certains côtés évoque Les Heures de Michael Cunningham. Trois récits : «Collies, 1989», «Droit, 1995», «Les garçons, 1999». Trois récits dont l’action se déroule entre l'Ecosse, la Grèce et New York, et qui nous installent au cœur de la famille de Paul, de Maureen et de leurs trois fils, Fenno, l’aîné, et les deux jumeaux, David et Dennis. Une histoire typiquement britannique dans un premier temps : au lendemain de la mort de Maureen, Paul effectue un voyage en Grèce pour oublier son deuil et se souvient de leur amour, que, progressivement, le lecteur devine inégal. Maureen étant surtout absorbée par son élevage de collies et les hommes qui partagent sa passion, Paul est un observateur silencieux à la cécité clairvoyante. Le premier récit est construit à partir du regard de Paul. Il est marqué du sceau de la fuite, fuite de la maison désertée parce que trop habitée par le souvenir de l’absente. Fuite qui, à un moment ou un autre, est la tentation de tous les personnages.

Six ans plus tard, ses fils se retrouvent dans la maison familiale à l’occasion de son enterrement, et la perspective change, le récit est alors construit de leur point de vue, avec leurs regards différents sur chacun de leurs parents, leurs itinéraires. Celui qui est resté, David, vétérinaire, et ceux qui sont partis, Fenno, l’aîné, libraire à New York et Dennis, cuisinier en France. Fenno est homosexuel et revient avec un ami, Mal, critique musical, atteint du SIDA, qui vit ses derniers jours. Chacun porte sa blessure particulière, sa fragilité soigneusement tue, maladroitement cachée.

Julia Glass décrit avec subtilité ces vies et destins croisés, la tristesse et l’angoisse que l’on tait, l’enfance dont on ne se remet jamais, le parent auquel on s’identifie, le mystère jamais percé du couple parental. La mort se profile, derrière ces jours d’été, dans des décors élégants, des rivages grecs aux brumes écossaises, de New York (celui de Greenwich village, of course !) à Amangasett. Tout est très chic, absolument comme il faut, sans faute de goût. On se perd avec délices dans cette errance tranquille, dans la profusion des couleurs, celles des fleurs ou du plumage de Félicity, la beauté arrogante du flamant rose d’Audubon, la chaleur de la cuisine dans laquelle, sans désemparer, Dennis élabore des menus complexes pour oublier son chagrin.

Un bon roman, comme les anglo-saxons savent en construire, eux qui n’ont pas renoncé au plaisir de l’écriture romanesque, aux lois de la narration… On se laisse porter sans bouder son plaisir, tout au plus se prend-on a désirer peut-être un peu d’aspérité, un peu de sauvagerie dans ce monde extrêmement civilisé…

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 28/06/2006 )
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