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Littératureet Romans & Nouvelles  

A moins d'aimer
de Véronique Fiszman
Flammarion 2006 /  19 €- 124.45  ffr. / 384 pages
ISBN : 2-08-068733-6
FORMAT : 15,0cm x 22,0cm

Rastignac 2006

Sous une jolie jacquette, les éditions Flammarion publient A moins d’aimer, le troisième roman de Véronique Fiszman. Musicienne (pianiste compositeur), Véronique Fiszman écrit aussi des scénarios pour la télévision ; il y a en effet dans ce roman de quoi faire un téléfilm.

Nous suivons les aventures de Corinne Chénier, née dans un milieu d’agriculteurs pauvres, durs au travail et taiseux devant le malheur. Malheur qui s’abat sur l’héroïne dès son plus jeune âge lorsqu'elle perd dans une crise d’asthme son frère jumeau. Cette amputation de la moitié de sa vie, de son âme, de son corps, la poursuit tout au long du roman qui est l'histoire d’une ambition et d’une reconquête. Ambition sociale : sortir du milieu du malheur pour acquérir le droit à l’existence et à une certaine facilité. Reconquête de sa sensibilité, des relations avec autrui, du droit aux larmes et à l’émotion, de tout ce qui a disparu avec le jumeau arraché. Tout au long du roman, Corinne cherche à utiliser les autres pour servir une ascension sociale dont le but est de la projeter le plus loin possible de la ferme de l’enfance, et d’une pauvreté haïe. Pauvreté matérielle mais aussi culturelle, et la première étape de l’affranchissement est la découverte de l’opéra ; la seconde sera le premier emploi vite suivi de la possession d’une voiture. L’école puis l’usine, une stratégie intelligente de formation et une utilisation tactique des hommes, seront des moyens efficaces. Veronique Fiszman démonte avec bonheur les rouages de notre société, et les modes de promotion, y compris, et surtout dans ce texte, féminins…

En revanche le lecteur est moins convaincu par la complexité de deux intrigues romanesques qui s’entrelacent, lorsque le destin de Renée, grand-mère riche d’une de ses camarades de classe, rencontre pour le plus grand bonheur de celle-ci la trajectoire de Corinne. Deux destins de femmes, deux générations différentes, la fin des années 30 et celle des années 80 ; deux milieux sociaux, et la transmission par la plus âgée de l’apprentissage de la liberté qu’elle n’a pu vivre à sa cadette dont elle espère qu’elle parviendra à l’assumer. Amours anciens, malheureux qu’il s’agit d’exorciser… L’idée n’est pas mauvaise, simplement Véronique Fisman a du mal à construire de façon convaincante ces deux intrigues, et l’invraisemblable l’emporte souvent, alors que le roman se veut plutôt réaliste dans sa dénonciation/constat des défauts de notre société. Aussi A moins d’aimer ne peut pas totalement emporter l’adhésion d’un lecteur exigeant. Trop de clichés (les «vieux» sages face aux «jeunes» impatients, la campagne face à la ville, les riches, les pauvres, etc.), quelques scènes sexuelles qui donnent l’impression de passages obligés, des facilités de langages et quelques formules pontifiantes («Tous les grands stratèges ont su perdre des batailles pour gagner une guerre» - p.271).

En revanche, reste une petite musique sur les secrets de famille, tus ou ignorés, et leur poids, sur la gémellité et la douleur de la séparation, qui font de ce roman un texte qui n’est pas désagréable même s’il ne laissera sans doute aucun souvenir de lecture impérissable.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 05/07/2006 )
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