L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

Hermann
de David Mata
Éditions Alexipharmaque - Les Narratives 2006 /  18.00 €- 117.9  ffr.

Livre disponible par correspondance
18 euros, chèque à l’ordre de "Alexipharmaque"
Alexipharmaque
BP 60359
64141 Billère Cedex


Beauté païenne

C’est un bien beau roman de David Mata que nous donnent à lire les jeunes éditions Alexipharmaque. Hermann narre les pérégrinations de Lucien à travers la Cascogne, à la recherche du château où, quarante ans plus tôt, il a fait la rencontre décisive du soldat et dessinateur allemand éponyme. Allant et venant dans ses souvenirs et dans l’espace Casgon, le personnage se livre à l’évocation nostalgique d’un moment de son adolescence et finit par dresser le tableau d’une sorte de présent retrouvé, puisque la redécouverte du château coïncide aussi avec un moment de compréhension lumineuse de lui-même et du monde. Le traitement de l’espace a particulièrement attiré notre attention. La région de la Cascogne habite le roman et ses paysages sont brossés avec force et beauté. David Mata exploite la tradition des romans français de terroir et une veine bucolique virgilienne, dans un mariage tout à fait réussi : «Enclos, métairies, tout baigne dans une paix virgilienne […] Une confuse promesse d’éternité, cependant, monte, obstinée, du terroir.»

On saluera l’art de l’auteur dans la pratique du genre très classique qu’est la peinture de paysages, son audace aussi car ce genre est désormais peu en vogue. L’écriture déployée est exigeante et belle, notamment quand elle use de tournures héritières du latin, telles ses étonnantes constructions relatives : «Octobre ramenait, tout édulcorées fussent-elles, les fêtes bachiques d’autrefois. Lucien peut en témoigner qui certain automne y participa.» Les lieux prennent aussi leur force en se voyant élevés au rang d’objets poétiques et métaphysiques – «N’en est-il pas des châteaux comme de la vie, qu’on habite en vain si on ne l’habite pas poétiquement, métaphysiquement ?» –, David Mata faisant notamment retour sur une conception et une dimension originelles et païennes de la nature : «Immergé dans la vigne, c’était à certains moments, comme s’il eût rejoint le cœur pantelant du monde.»

Le traitement de l’espace a aussi des accents proustiens. Associé à une définition cyclique du temps – «La vie ne pouvait qu’être circulaire, elle ne pouvait que le reconduire au commencement» –, il permet au personnage d’accéder au sens de sa vie et du monde. Le château devient lieu de révélations : «Reste, car il n’est pas venu en touriste, à circonscrire le lieu où en peu de jours se succédèrent tant d’essentielles révélations.» Proustienne aussi et enfin la façon dont l’auteur égrène des noms de lieux – Courrensan, Lavezac, Eauze, Armagnac, etc. – comme autant de termes poétiques.

Sonia Anton
( Mis en ligne le 09/10/2006 )
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