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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Houwelandt
de John von Düffel
Albin Michel 2006 /  20 €- 131  ffr. / 343 pages
ISBN : 2-226-17339-0
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

Où est l'atome ?...

Trois générations interfèrent dans le champ magnétique instable d'une famille somme toute banale. Esther et Jorge, les anciens... Thomas et Beate, les adultes seniors ; Christian et Ricarda enfin, jeunes adultes.

Une occasion crée le maelström familial. Esther quitte l'Espagne et Jorge, le doyen solitaire, à la fierté mutique, infragible, pour l'Allemagne où vit le reste de la famile, et l'organisation de l'anniversaire de son époux. Elle, c'est la maîtresse de maison type, résignée dans son rôle d'épouse, celui de mère, digne mais engoncée dans le marais de tous ses sacrifices. «Esther fut parcourue par le sentiment étrange de n'être pas seule avec son mari. Ils étaient trois. Jorge, le silence et elle» (p.62). Jorge n'a jamais bougé d'un iota, fidèle à lui-même et à un agenda quotidien à la rigueur toute kantienne, notamment cette séance de natation, indispensable, dans laquelle il entraîne un jeune garçon pour lequel il se prend d'une affection toute paternelle.

Dans l'ombre de son père, Thomas n'a jamais réussi à s'affirmer face aux siens comme au monde. En charge du discours d'anniversaire, il pense jeter enfin le pavet dans la mare, provoquer son père à qui il reproche l'éducation spartiate, des méthodes d'un jésuitisme insupportable, ce qui lui vaut encore quelques soucis psychosomatiques. Adolescent perpétuel, enferré dans un Oedipe endémique, il s'est séparé de sa femme, Beate, l'indienne placide.

Leur fils, Christian, est celui vers qui Thomas se tourne pour la rédaction du discours. Mais Christian refuse. Lui, il amorce son désir de paternité, aussi décidé que pris de doute devant les atermoiements de sa femmes, Ricarda : «Sans doute valait-il mieux que cette famille s'éteignît. Christian ne voulait plus les voir, tous : sa grand-mère qui se mêlait d'affaires qui ne la regardaient pas, son père qui ne venait à bout de rien, hormis de brouillonnes histoires de femmes, et sa mère qui, dans son zèle pour améliorer le monde oubliait les êtres humains qui l'entouraient. Pourquoi prolonger volontairement cette misère et ajouter un maillon à la chaîne des manques ? Pourquoi procréer ?» (p.296)

Au fil de cours chapitres intitulés aux noms des six personnages, la famille, atomisée, poursuit sa désagrégation. «C'était la famille, c'était la jungle et le marais dans lequel il s'enfonçait davantage en s'efforçant de s'en libérer, c'était le filet où il était pris et qui se resserrait de plus en plus. C'était Houwelandt» (p.293). A moins que ce ne soit l'inverse et que, malgré les personnalités des uns et des autres, la distance, les frontières entre les âges, cette sourde incommunicabilité qui fait de chacun un atome irréductible à tout autre, la véritable cellule, l'unité indivisible, mue par un lien plus ou moins biolgoique, assurément affectif et nourri par une histoire commune, ce ne soit la famille même : seul et unique atome, consubstantielle...

Un roman qui se lit vite et bien, porté que l'on est par cette errance collective : le radeau Houwelandt, survivance après naufrage.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 20/10/2006 )
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