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Littératureet Romans & Nouvelles  

Six oies cendrées
de Henri Coulonges
Grasset 2001 /  21.22 €- 138.99  ffr. / 570 pages
ISBN : 2-246-61741-3

Poupées gigognes

A la manière des poupées gigognes, ce récit n'en finit pas de dévoiler des intrigues emboîtées les unes dans les autres. Tout d’abord, le contexte, celui de la campagne d'Italie en 1943, dans la région de Naples. Vient ensuite l'amitié de deux jeunes officiers, Larry l'Anglais, officier du renseignement et Paul l'Américain, chargé de la sauvegarde des monuments historiques qui se retrouvent après s'être perdus de vue pendant sept ans. Autre figure, le Mont Cassin, l'abbaye bénédictine et ses trésors, qui surplombe le roman de toute sa masse, lieu mythique où se croisent de nombreux fils de l'enquête.

Et puis, il y a Shelley, le poète anglais et sa cohorte de petits-enfants, légitimes ou illégitimes, tous morts en bas âge, sujet des recherches universitaires mais aussi très personnelles de Larry: Shelley a vécu à Naples, tout près de l'endroit où travaillent les deux officiers et son ancienne demeure est le théâtre d’étranges allées et venues. On peut passer sous silence les histoires d'amour mais pas les personnages hauts en couleurs de l'avocat déchu et du moinillon plus ou moins défroqué qui tentent, chacun à sa manière, de tirer les ficelles et surtout de se remplir les poches. Et puis comme lové au coeur du livre, la plus petite des poupées, une toute petite fille… mais on n'en dira pas plus!

Reconnaissons-le, les ingrédients sont bien choisis: contexte historique prenant et très bien restitué, livres et documents rares, évocation d'un grand poète, quelques truands sympathiques, une éruption du Vésuve, un des trésors religieux et architecturaux de l'Occident en péril et plusieurs drames personnels émouvants.

D'où vient alors qu’on éprouve une relative déception à la fermeture de l’ouvrage. Sans doute parce que si le dessin est de belle facture, il ne masque pas tout à fait les maladresses de la composition. De très nombreuses invraisemblances mettent ainsi en péril la crédibilité de l'histoire: un peu trop de rencontres fortuites sur un théâtre d'opération tout de même vaste, des dialogues trop nombreux et souvent artificiels qui empêchent les personnages d’acquérir une véritable profondeur… On a parfois l'impression que le deus ex machina doit donner une petite chiquenaude à sa construction pour la faire tenir debout.

Il ne faut néanmoins pas bouder un réel plaisir de lecture qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page. Bon livre à défaut d'être un grand livre, Six oies cendrées propose une histoire attachante, moins achevée cependant que le très remarqué Adieu à la femme sauvage qui explorait les champs de ruines allemands au temps des bombardements de Dresde.


Florence Trocmé
( Mis en ligne le 28/06/2001 )
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