L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Séraphin, c'est la fin!
de Gabriel Matzneff
La Table Ronde - Vermillon 2013 /  18 €- 117.9  ffr. / 266 pages
ISBN : 978-2-7103-7006-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Chroniques socio-littéraires

On ne présente plus Gabriel Matzneff (né en 1936) bien qu'il soit quelque peu passé de mode. Romancier, diariste, essayiste, l'homme traine une réputation d'auteur libertaire sulfureux. Il est critiqué pour avoir décrit avec obsession et précision ses amours illicites avec des adolescentes. Il est vrai que certains détails sexuels sont peu pertinents et affluent, notamment dans ses journaux intimes.

Séraphin, c'est la fin ! est le sixième recueil de textes (souvent des articles publiés ci et là et regroupés pour la publication) après Le Sabre de Didi (1986), Le Dîner des mousquetaires (1995), C'est la gloire, Pierre-François ! (2002), Yogourt et yoga (2004) et Vous avez dit métèque ? (2008). De 1964 à 2012, Mazneff commente l'actualité, qu'elle soit littéraire, politique, sociale, ou personnelle. Les sujets sont très variés mais la plume reste identique : assez belle et sans fioriture.

Hommages aux amis-écrivains - Rozanov, Perret, Hocquenghem -, références aux illustres influences - Casanova, Byron, Flaubert, Schopenhauer, Nietzsche -, conférences devant des étudiants, petits textes assassins sur une époque jugée aseptisée et bien-pensante, tous les sujets du livre ont un intérêt car ils collent à notre période marquée par une décadence morale généralisée. D'ailleurs, les rouages de l'édition mêmes ont changé ; en témoignent les articles parus dans Combat dans les années 60, dans Le Monde dans les années 70-80 puis sur www.matzneff.com dans les années 2000... L'auteur y décrit également les ravages de la censure, du politiquement correct lié au néo-libéralisme de gauche comme de droite actuel. Dans la tradition de ces ainés Montherlant et Cioran, Matzneff se réclame écrivain libre et indépendant en opposition avec le système de propagande, de censure et de abêtissement médiatique actuel. Certes, l'écrivain ''adophile'' est dans une posture très dix-neuvièmiste, celle du dernier mohican qui résiste aux foudres de la médiocrité post-moderne. Il n'empêche que cette race intellectuelle va disparaitre et qu'il est important de pouvoir lire un des derniers écrivains vivants indépendants...

Constance et fidélité à soi, telle est la marque littéraire de Matzneff, un aspect qu'il revendique aisément. On est d'accord avec ses idées, toujours alimentées par des références pointilleuses, un talent d'écriture ainsi qu'une culture livresque et religieuse permettant au lecteur d'en apprendre toujours plus. Le Matzneff essayiste est souvent plus délicat et pédagogue que le diariste et le romancier, plus centré sur son nombril. Une réserve néanmoins sur ses positions politiques envers Kadhafi. Si l'écrivain méprise la politique américaine, le respect qu'il a pour le dictateur détonne malgré tout avec son rejet de l'occident. Il est curieux de voir un écrivain si lucide soutenir à ce point l'ancien chef libyen.

Matzneff n'a plus rien à prouver et son recueil de chroniques est bienvenu, une pierre nouvelle marquant la encore une fidélité à son œuvre et celle de son éditeur qui le suit depuis près d'un demi-siècle.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 05/07/2013 )
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