L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Le Langage des contes
de Elzbieta
Rouergue 2014 /  15 €- 98.25  ffr. / 124 pages
ISBN : 978-2-8126-0686-1
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Il était une fois…

La très grande auteure-illustratrice Elzbieta s’interroge et interroge ses lecteurs sur la puissance du langage des contes. Langage qui n’a rien de neutre ni d’inutile, encore moins de superficiel et qui permet la construction des personnalités ; un double langage aussi : un sens immédiat, un sens implicite. Pour Elzbieta, l’enfance - et plus particulièrement la très petite enfance - est un temps magique de connaissances et de savoir, dont on sera peu à peu dépouillé au profit d’autres connaissances jugées plus essentielles. «Croire ouverts à jamais les accès à notre enfance, c’est oublier que toute notre maturation, tout notre développement, toute notre éducation ont pour but premier de les fermer, de nous transformer en autre chose, en un autre type d’humain que celui de l’enfant que chacun de nous a été».

Apprentissage du langage et du dessin vont pour elle de pair, l’essentiel est d’enrichir l’imaginaire, présent de façon innée chez l’enfant et que nous perdons au cours des divers apprentissages. Selon elle, la fonction du conte se tient justement là : dans cet enrichissement de l’imaginaire qu’il autorise et entretient. Elzbieta, dans la lignée de Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées), et s’appuyant sur Hassan Jouad («Le conte transforme ce qui est définitif et irrémédiable en hypothèses bienveillantes ; il traduit la violence du destin humain en une violence imaginaire justiciable», cité p.48), démontre à quel point la lecture des contes est essentielle : elle permet de traverser des épreuves terribles avec la certitude d’une fin heureuse, et à ce titre est expérience. Elzbieta insiste aussi sur ce qu’elle nomme le double langage des contes : au premier degré l’histoire, sur laquelle on rêve enfant et, cachée au cœur de cette histoire, une autre signification, ce qu’elle nomme un talisman, qui accompagne toute sa vie l’enfant devenu adulte et lui permet de comprendre le sens des choses.

Depuis la plus haute Antiquité, et sur tous les continents, les «vrais» contes ont pour héros des enfants qui, faibles et petits, vont affronter la difficulté de vivre, la cruauté, la mort, l’injustice, la trahison… mais invariablement le «vrai conte» se termine bien ; la fin heureuse est un élément fondamental, et le héros réussit toujours. Et Elzbieta remarque : «(…) Pour qu’un conte garde son efficacité, pour qu’il permette de transgresser un difficile tabou, on ne donne jamais en clair le message si souvent induit et tellement libérateur pour la construction de la personnalité. Par exemple : les enfants ont le droit de réussir mieux que leurs parents !» (p.57).

En filigrane, Elzbieta délivre aussi quelques éléments autobiographiques, et la figure à jamais perdu de Mademoiselle Sophie qui fut sa première conteuse, celle d’une enfance perdue, comme son pays natal, en mémoire de qui, peut-être, la lune figure souvent dans ses dessins…

Un livre de réflexion passionnant sur les apprentissages et la construction individuelle.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 22/12/2014 )
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