L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Je ne sais écrire que ma vie
de Henri Calet
Presses universitaires de Lyon (PUL) 2021 /  20 €- 131  ffr. / 251 pages
ISBN : 14,0 cm × 20,3 cm
FORMAT : 14,0 cm × 20,3 cm

Michel-P Schmitt (Directeur de publication)
Joseph Ponthus (Préfacier)


Calés sur Calet

Curieux livre pour un auteur singulier ! Henri Calet (1904-1956) est presque un anti-écrivain tant il est resté fidèle à lui-même ; à savoir rejeter les critiques et écrire la littérature qu’il jugeait la plus propice à son œuvre. Sceptique envers la fiction mais malgré tout romancier, peu reconnu de son vivant (il n’eut qu’un prix littéraire symbolique et fut rayé systématiquement des Goncourt et autre Renaudot) et objet d’une gloire posthume intéressante (en témoignent des rééditions et des travaux sur l'auteur et son œuvre depuis un demi-siècle), enfin peu enclin au beau style mais ayant consacré sa vie à l’écriture, Calet aura imposé ses choix et c’est un peu la visée de cet ouvrage universitaire qui lui est consacré, lui aussi inclassable car agrémenté d’études, d’histoire littéraire, de présentations et d'une bibliographie qui au final laissent peu d’espace à Calet lui-même.

En effet, le lecteur s’attend à lire des chroniques et des entretiens inédits de l’auteur de Monsieur Paul alors qu’ils sont minoritaires face à une présentation détaillée de son œuvre et de sa vie, le tout inséré dans le contexte politique et littéraire de l’époque. Et que dire lorsqu’on atteint la bibliographie digne d’une thèse de doctorat sur l’œuvre entière du romancier-chroniqueur ?

Certes, on apprend beaucoup de choses sur les années 40-50 (malgré des raccourcis et des choix contestables), sur l’existence compliquée de Calet, mais on reste frustré de voir si peu d’interventions de sa part et lorsqu’il apparaît au travers d’entretiens ou d’enquêtes publiés dans les journaux de l’époque, les passages sont assez courts.

Malgré ces quelques réserves, l’ouvrage est très plaisant à lire, très académique et parfaitement documenté sur l’œuvre de l’écrivain. Le Tout sur le tout, publié en 1948, est exploré de manière précise et donne envie de découvrir cet auteur secret, pudique et en même temps contestataire (socialement et littérairement, trouvant sa voie esthétique dans la chronique plutôt que dans la fiction). Ecrivain méticuleux qui a axé son discours sur la vie des «petites gens», prolétaires ou employés parisiens de son «cher 14è arrondissement», il a composé une œuvre assez intimiste voire sociologique, malheureusement sans saveur stylistique (contrairement à Emmanuel Bove qui n’est jamais cité).

Cette anthologie qui publie des chroniques inédites de Calet tend à prouver à quel point le point de vue de cet auteur (considéré, tels Guérin, Vialate, Bove, Perret, etc, comme un second couteau de la littérature française) est profond, singulier et inclassable dans la littérature de l’après-guerre. Une oeuvre entre roman autobiographique et reportage subjectif. Il est assez rare pour le noter, cette édition universitaire mérite l'intérêt pour son travail de recherche, son regard audacieux et son exhaustivité. Un bel hommage à cet auteur discret mais populaire.

Simon Anger
( Mis en ligne le 09/04/2021 )
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