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Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

La Chaste Vie de Jean Genet
de Lydie Dattas
Gallimard 2006 /  18.50 €- 121.18  ffr. / 215 pages
ISBN : 2-07-077972-6
FORMAT : 14 x 21 cm

L’auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, diplômé de l’Université de Nottingham Trent (PhD). Professeur de Lettres Modernes, enseignant à Troyes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS).

Saint Jean Genet, prophète des parias

La vie de Jean Genet se prêterait-elle à l’hagiographie ? Plus de 50 ans après Saint Genet, comédien et martyr, de Sartre, où l’écrivain philosophe se livrait à une «psychanalyse existentielle» de l’auteur de Miracle de la rose, Lydie Dattas nous propose La Chaste vie de Jean Genet qui paraît tout droit sortie de La Légende dorée.

Entre la biographie, l’essai et le roman, ce texte inclassable nous offre un parcours poétique – sur le mode de la métaphore, de la comparaison et de l’oxymore – à travers la vie, l’œuvre et l’âme de Jean Genet. Abandonné en 1911, et ainsi marginalisé dès son plus jeune âge, Genet va par la suite devenir ce que l’on voyait en lui : «Puisqu’on voyait en lui un voleur, il décida d’en être un – mais plus intransigeant qu’un saint» (p.28). Son enfance, entre familles d’accueil malveillantes, foyers, prisons et errances rimbaldiennes, est longuement évoquée dans ce récit. Lydie Dattas s’attache à retranscrire la formation d’une «âme» singulière qui fait de Genet tour à tour un ange, un saint, voire une figure christique.

Mais en 1944, «sa mauvaise étoile» lui fit rencontrer Sartre. On comprend que Lydie Dattas n’a pas que peu d’estime pour l’auteur des Mots qu’elle qualifie de «gnome des Lettres» (p.133). Genet, avec la rencontre du succès et la fréquentation des intellectuels parisiens, passe alors du statut de «prophète des parias» à celui d’enchanteur de bourgeois : «Lui qui voulait être un marginal était fêté par des bourgeois qui avaient mis la marge au centre» (p.126). Mais il s’ennuie et ne vend pas totalement son âme au diable, cherchant constamment à être en dehors du monde, «être deux fois hors du monde, comme les voyous et comme les anges» (p.89).

Lydie Dattas poursuit avec l’évocation des amours de Genet – Abdallah Bentaga, Jacques Maglia – de ses succès au théâtre, de ses engagements auprès des Black Panthers ou en faveur de la cause palestinienne. Atteint d’un cancer, il vieillit en redevenant l’ascète qu’il avait été dans sa jeunesse, tentant d’oublier et de faire oublier la figure d’esthète qu’il incarna quelque temps, d’en finir avec sa propre légende...

Ce texte, plein d’empathie, est une lecture sainte de la vie de Jean Genet, saint athée à la théologie négative. Il est sa Légende dorée, qui révèle le plus profond des secrets d’un homme et d’une vie : la bonté.

Arnaud Genon
( Mis en ligne le 20/09/2006 )
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