L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Vagabondages - Chroniques buissonnières
de Pol Vandromme
Le Rocher 2007 /  18 €- 117.9  ffr. / 245 pages
ISBN : 978-2-268-06221-1
FORMAT : 14,0cm x 22,0cm

Vandromme le buissonnier

«Pour moi, la littérature, c’est […] les rêves qui baguenaudent comme des mouettes, les clefs qui ouvrent les portes dérobées et qui ferment les autres, les mots communs qui finissent par être des consignes particulières, le secret des alcôves et des tavernes, les complots ourdis par le soleil, […] tout ce que les songes et les terreurs écrivent à l’encre sympathique du suprarationnel, la force et la grâce d’un style». Ainsi le critique Pol Vandromme définit-il, à l’orée de ses Vagabondages, le grand amour qui anime sa plume depuis plus d’un demi-siècle.

Les chroniques scintillantes et sautillantes de ce nouveau recueil s’inscrivent dans le sillage du Journal de lectures et de L’Humeur des lettres. Elles présentent cependant cette particularité d’être beaucoup plus ancrées dans l’actualité, et l’on ne s’étonnera dès lors pas d’y retrouver des pages sur le cas Littell – expliqué par l’intermédiaire de Beaumarchais ! – ou sur «l’exorciste» Patrick Besson.

Selon cette dynamique cruelle qu’instaure l’implacabilité du classement alphabétique, les éreintements et les exercices d’admiration se côtoient, dans un joyeux désordre. Ce serait presque faire injure à Vandromme que de rappeler son art consommé du trait et l’aplomb de sa prose. Réunies chez ce lecteur authentique, ces deux vertus cardinales lui permettent de nous régaler de quelques savoureux médaillons, servis à point ou saignants.

Face à Christian Bobin, «on est désolé d’être un vilain coco à l’entendement aussi obtus devant une aussi belle âme dans le chant de son cantique des créatures». Le martinet retombe dru sur le fessier de Catherine Cusset, jugée trop volubile à décrire dans son roman Jouir «l’histoire de sa boutique et la géographie de ses dessous, le devant, le derrière, le manche de la brosse à cheveux pour l’endroit, le crayon de l’hôtel pour l’envers». Régis Debray est délogé de sa gondole à coups de savate et Philippe Delerm compressé à la mesure de ses préoccupations minimalistes. Jean-Pierre Otte, sexologue des abysses, se voit assigné à résidence entre un bigorneau hilare et une huître béante de son plateau de fruits de mer. Enfin, cette écrivaine qui s’identifie volontiers à un filtre (sic) est, quant à elle, expédiée dès la première ligne : «Si mince soit-il, un livre d’Annie Ernaux, c’est déjà lourd à porter».

Le vieux lion ne se contente donc pas de froncer les sourcils : il secoue encore la crinière et croque au cuissot gnous et gazelles. Et il excelle surtout quand il rugit de ravissement en présence d’un de ses pairs en altesse, de la trempe d’un Guy Dupré, d’un Angelo Rinaldi ou d’un Louis Calaferte.

L’approche très personnelle des œuvres et de leurs auteurs que mène Vandromme mérite à nouveau d’être saluée dans sa diversité et la farouche liberté qu’elle revendique. Par son énergique verdeur, sa souplesse, son ironie assumée citations à l’appui, elle procure un plaisir d’autant plus rare qu’il est négligé par maints gargaristes appointés de la presse spécialisée : celui de revigorer l’esprit.

Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 04/06/2007 )
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