L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Impur [revue à problèmes] - #001
de Collectif
Antipodos 2008 /  9 €- 58.95  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-9529246-0-3
FORMAT : 16,5 x 21 cm

Mitsubishi, shushi, tatami et Monchichi

«/ / / / antipodos : point diamétralement opposé à une position donnée / chaque trimestre, impur convoque des visions décentrées, panoramiques, exotiques. littératures métèques, littératures désinstallées / paroles d’immigrés, d’exilés, d’expatriés / récits de voyage, problématiques, polémiques / / / / / / /», voici l’annonce programmatique de cette Revue à problèmes qui, pour son premier numéro, prend comme point focal le Japon.

De ce pays, on connaissait les estampes de Hokusaï et les délirants mangas façon Ai Yazawa, le rituel du thé et l’enivrement au saké, les geishas (maniant leurs boules) et les collégiennes aux jupes (et à la pudeur) plissées, les carpes rouges paressant dans le décor des étangs et le monstre Godzilla d’avance agonisant, les hikikomori cloîtrés à domicile et les trémoussements des salarymen rivés à un micro de karaoké, les samouraïs-ninjas versus les sumos-karatékas, Mishima se sabrant les boyaux et Bashô consignant ses haïkus, la neige délicate des cerisiers en fleurs et la majesté écrasante des bonsaïs-nains, Hiroshima mon amour et Nagasaki non-retour… L’empire du Soleil Levant. Celui des sens. Du dernier empereur. Des paradoxes insondables.

Désormais, du Japon, on connaîtra l’importance du fundoshi et la lascivité de la hitozuma (pas de desperate housewives ici) grâce à Agnès Giard qui, dans un entretien sans fard autour de l’imaginaire érotique au Japon, évoque, entre autres, le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale sur la libido des mâles insulaires. On sera convaincu du non-fondé de clichés (tels que le stress endémique, le corset des traditions, la nationalite-aiguë, etc.) collés au peuple nippon, que Syoka bat en brèche, avec la sincérité d’un homme ému et bousculé par le shintô, le bouddhisme et les Pauvres de Kyôto. On se plaira à inventer des articulations et des significations à l’étude – en langue originale ! – de Hirano Keiichiro, et, à «défaut», on se perdra dans cette calligraphie aux traits ciselés, à la fantaisie austère, à la silencieuse mélodie.

De prime abord, Impur se différencie par une esthétique remarquable : la vue et le toucher sont d’emblée sollicités, notamment à travers la troublante couverture, ou encore le format et le grain du papier, et continueront à être titillés par les illustrations qui rehaussent, avec goût, les diverses collaborations. Très vite, le lecteur est emporté par ces flots prenant leur source à l’Est, mais aux embouchures pour le moins étonnantes : l’Afghanistan, le Centrafrique (sur les pas de Charlemagne Bokassa), les États-Unis (clin d’œil à un auteur et personnage groeningien) et, enfin, la Belgique, petit bout de rien, qui parfois «rêve de s’exiler d’elle-même»

Un seul bémol dans ce bouillonnement : bien que la revue trace indéniablement son propre sillon et évite généralement les chemins balisés, on regrettera peut-être la présence de noms déjà (trop) incontournables»… Ceux-ci ne font heureusement pas ombrage aux nouvelles voix, vivifiantes celles-là, qui un jour prochain nous emmèneront sur la Route de la Soie…

Samia Hammami
( Mis en ligne le 01/02/2008 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)