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Littératureet Classique  

Le Juif Süss
de Lion Feuchtwanger
Belfond 2010 /  19 €- 124.45  ffr. / 516 pages
ISBN : 978-2-7144-4725-8
FORMAT : 14,4cm x 22,7cm

Traduction de Serge Niémetz

Juif de cour

Bien des choses ont été dites sur ce roman des années vingt, et il vient à l’esprit aux seuls mots de «juif Süss» la propagande nazie qui s’est servie du livre pour sa démonstration en détournant totalement la pensée de Lion Feuchtwanger. Cette iniquité et le film de Goebbels ont occulté les qualités du roman et son autre discours.

Il s’agit d’une fresque qui se déroule dans l’Allemagne du XVIIIe siècle, avec la truculence de l’époque et sa dureté. Josef Süss Oppenheimer, un financier brillant et arriviste, croit, contrairement à tous, en la carrière du prince Karl Alexander. Il le soutient et le conseille habilement, et quand le duché de Würtemberg échoit au prince, celui-ci garde Süss et s’appuie sur lui pour commander. Le génie de Süss se déploie alors, ainsi que sa folie des grandeurs et son goût du pouvoir, qui ne sont pas appréciés par tous. Les ennemis sont nombreux, qui font l’amalgame du personnage et de la judaïté, à tel point que Süss devra choisir entre sa religion ou la mort.

On trouve là, outre un roman plein de situations à rebondissements, une véritable étude de l’histoire des Juifs, de leur statut, de leur évolution, du regard de la société sur eux, de leur religion. Feuchtwanger connaît leurs coutumes, leurs livres saints et les explique avec clarté ; il connaît aussi les caractéristiques de leurs comportements et démonte le mécanisme qui engendre la méfiance voire la haine à leur égard. Dans ce Würtemberg déchiré entre catholiques et protestants et peuplé de nombreux Juifs, le vaste sujet des guerres de religion est bien abordé. Sont bien traités aussi le fonctionnement du pouvoir, les manigances de la vie de cour, la vie diplomatique rouée, la toute puissance de la finance et du maniement d’argent, seul domaine laissé aux Juifs parce que considéré comme non noble. Le tout dans un style foisonnant, rabelaisien, d’une grande clarté malgré l’abondance des personnages, avec un luxe de détails parfois redondants mais rendant vivants les gens et les situations.

La traduction de Serge Niémetz est intéressante puisqu’il a eu accès à l’intégralité de l’œuvre, ce qui n’avait pas été le cas précédemment ; le style particulier de Lion Feuchtwanger doublé du langage plus contemporain du traducteur ne peut que donner un second souffle à cette œuvre injustement connue.

Dany Venayre
( Mis en ligne le 10/03/2010 )
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