L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

Plus tard ou jamais
de André Aciman
L'Olivier 2008 /  22 €- 144.1  ffr. / 294 pages
ISBN : 978-2-87929-575-6
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Traduction de Jean-Pierre Aoustin.

Réédition sous le titre Appelle-moi par ton nom (Grasset 2018, Livre de poche 2019).


Leur histoire

Une histoire d'amour charmante et compassée, précieuse et interdite, entre un fils de bonne famille et un invité dans la maison d'été, en Italie. Un florilège de clichés jamais éclos sur cette dolce vita. Le père du jeune Elio reçoit chaque été un invité pour une sorte de résidence d'artiste : aider un jeune talent en échange de quelques discussions et sociabilités, pour donner un peu de vie aux marbres de la demeure.

Cette fois, Oliver, intellectuel et écrivain, change un peu la donne. D'emblée, Elio s'éprend de lui, sensible à son charme, attiré par son érudition, éperonné par la distance sauvage qu'Oliver installe entre eux : jeux ? défense ? provocation ?

Elio, ici narrateur, revenant vers cet amour juvénile et fondateur, perdu dans les brumes de sa mémoire, les années 80, sa jeunesse, se rappelle leur histoire, ces quelques semaines pendant lesquelles, à la brûlure d'un désir tu et certain de sa non réciprocité, succède une passion évidente et aveugle... quoique corsetée, contrainte par le temps - cet été aura un terme - et les lois de la vie : le mariage, les études, le départ, la fin de toute chose... «L'Italie. L'été. Le chant des cigales l'après-midi. Ma chambre. Sa chambre. Notre balcon qui nous isolait du monde entier. La douce brise qui apportait les parfums de notre jardin jusqu'à ma chambre à l'étage. C'est l'été où j'appris à aimer pêcher. Parce qu'il aimait ça. À aimer faire du jogging. Parce qu'il aimait ça. À aimer le poulpe, Héraclite, Tristan. L'été où, écoutant un oiseau chanter, humant l'arôme d'une fleur, ou sentant la chaleur monter du sol sous un soleil ardent, parce que mes sens étaient toujours en alerte, il me semblait qu'ils s'élançaient spontanément vers lui».

Elio revient sur cette expérience, à bien des égards matrice de son passage à l'âge adulte, canevas des liaisons suivantes ; avec des hommes, avec des femmes. La reconstruction mémorielle rafraîchit impeccablement l'intensité de sentiments pourtant lointains, le scénario de cette relation vieille de trente ans...

Il y a du Proust dans ce retour vers un passé, tant dans l'entreprise mémorielle que dans les ambiances, aristocrates, raffinées, où le luxe côtoie une culture exigeante ; Elio et Oliver parlent de philosophie, d'écriture, de musique, art dans lequel Elio excelle. L'amour ici emprunte autant aux plaisirs les plus charnels qu'à des douceurs plus subtiles, passant par une rime, une idée, une note placée judicieusement sur l'arpège, bref, beaucoup de sophistication. Tel est leur biotope, leur façon d'être et de vivre. Il n'y a donc rien d'exagéré. Cette histoire coule de source.

Du Thomas Mann aussi. Un très bon moment de lecture en somme.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 05/12/2008 )
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