L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

L'Etreinte fugitive
de Daniel Mendelsohn
Flammarion 2018 /  20 €- 131  ffr. / 284 pages
ISBN : 978-2-08-143944-3
FORMAT : 13,7 cm × 21,0 cm

Première publication en janvier 2009 (Flammarion)

Traduction de Pierre Guglielmina


Quête d’identité

Daniel Mendelsohn avait remporté un grand succès avec Les Disparus, dont la publication avait coïncidé avec Les Bienveillantes mais dont l'approche était radicalement différente. Le public français avait alors découvert cet auteur new-yorkais dont c'était le second texte.

L'Etreinte fugitive, un beau titre, est le premier texte de l'auteur. L'autobiographie d'un homme encore jeune (il est né en 1961), qui cherche à comprendre son identité, à se définir dans une quête tournée vers le passé, son enfance, son milieu familial, les rencontres... Le propos est d'emblée ambitieux : «Réfléchir au problème de la beauté (...) à ce qui fait qu'une rencontre de hasard, avec un garçon, une femme, une photo ou un livre peut éveiller en nous une vision de la beauté que nous poursuivrons ensuite, consciemment ou non, notre vie durant».

Daniel Mendelsohn nous entraîne dans sa géographie personnelle qui le fait vivre entre deux endroits : New York dans Chelsea, mais à sa frontière, «juste au nord de la culture gay», le New York des garçons, des rencontres multiples, faciles et éphémères, et une ville de banlieue, calme, provinciale, où il vit quelques jours par semaine avec une amie, Rose, dont il a accepté d'être le référent masculin de son fils, Nicholas. Daniel Mendelsohn circule entre hier (son enfance, ses parents et grands-parents, la mémoire familiale) et aujourd'hui, et plus loin encore, puisque ses réflexions s'appuient aussi sur la culture grecque, le choix d'Ismène face à Antigone, celui du compromis et de la vie face à la grandeur de la tragédie...

Il cherche à comprendre, comprendre son itinéraire, le monde dans lequel il vit, les contradictions profondes inhérentes à tout être. La syntaxe grecque lui fournit une trame, avec l'habitude de structurer les deux parties d'une phrase par men pour la première et de pour la seconde : «ce qui est inhérent à cette langue, par conséquent c'est le caractère profondément conflictuel des choses. C'est une langue qui comprend que x et y, tout en ayant l'air de s'opposer peuvent faire partie d'une séquence, s'insérer en quelque sorte dans un ensemble. L'ensemble peut être un concept, une culture ou une personne».

Un beau texte qui explore les énigmes du moi, des relations entre père et fils (l'auteur et son père, son grand-père, le petit Nicholas dont il est le «père»), de la part de donné et de la part de volonté dans la construction d'une identité qui, pour lui, s'est établie sur trois bases : l'origine juive, les choix gays et la culture gréco-romaine (il enseigne la littérature de l'Antiquité classique). Toute une réflexion sur le désir et les désirs contradictoires face aux infinies possibilités ouvertes ou offertes... identité qui ne peut se définir que par la multiplicité.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 25/06/2018 )
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