L'actualité du livre
Littératureet   

Bicentenaire Victor Hugo



La légende des deux siècles

C’est entendu, lu et relu : Victor Hugo est un personnage immense, énorme, pharaonique. Pis, cet écrasant personnage pourrait incarner à lui seul la totalité du XIXe siècle : totalité artistique (il est poète, romancier, homme de théâtre, dessinateur ou encore décorateur) et totalité politique (royaliste puis libéral, notable puis proscrit, ce républicain vire au socialisme). Il a écrit, beaucoup, agi, beaucoup, aimé, beaucoup, pensé, beaucoup : un monument tout en démesure contrôlée.

Evidemment, on peut préférer, avec un chouiä de snobisme, surtout en ces temps de commémoration, un seul roman de Flaubert à la totalité d’Hugo. Toute statue attire ses pigeons. N’en reste pas moins que cette œuvre énorme d’un homme si total frappe par sa générosité extrême, sa foi sincère en l’humanité, son courage visionnaire. Car Hugo nous aime. Vraiment. Si étonnant que cela puisse paraître, il croit en nous, nous qui avons aboli la peine capitale presque un siècle après sa mort, il a confiance. Chacune des ses œuvres, chacun de ses discours et de ses actes le dit : suivez-moi, ayez confiance, je suis parmi vous, ma foi est puissante ! Et, qu’on le veuille ou non, qu’on l’aime ou pas, Hugo est là, parmi nous, deux siècles après et plus qu’aucun autre. A la télévision, dans les écoles, les bibliothèques et les campagnes électorales...

Le poète avait une conscience aiguë et toute romantique de son rôle de génie, de sa mission pour le présent et les siècles à venir. Extrême prétention ? Plutôt, courageuse affirmation de son effective responsabilité sociale et politique, à mille lieues du détachement posé de Gautier ou de Flaubert. Tout au long de sa vie, il donne, donne et redonne : à ses lecteurs, à ses enfants, à ses femmes, à ses petits-enfants, à la France puis à la République avec un acharnement dans le travail et une force époustouflante (sa lutte pour l’amnistie des Communards à la fin des années 1870, alors que sa santé est déjà vacillante, en témoigne).

Sous l’angle de cette générosité, les aspects les plus ridicules et les plus énervants du personnage et de son œuvre en paraissent presque touchants : conformisme bourgeois (jusque dans la bigamie, comme en témoigne le livre de Michel de Decker), écrasement tyrannique de ses proches, machine automatique à versifier, sens psychologique fruste... Hugo en fait trop, toujours (il nous aime !), et donne dans la démesure avec une foi et une confiance qui sont, aujourd’hui en ces temps de postmodernisme nihiliste, effectivement révolutionnaires. Tout militant peut et pourra toujours se l’approprier.

Victor Hugo croit au progrès, croit en l’homme, croit en lui et appelle même un Dieu à la rescousse. C’est cet homme-là, fragile, humain et humaniste qu’on peut aller chercher dans le livre d’ Henri Pena-Ruiz et de Jean Pol Scot, à l’opposé de celui, sculpté dans la masse, de Max Gallo. Dans tous les cas, on trouvera dans l'imposante bibliographie commémorative matière à repartir à la découverte d'une oeuvre multiforme...

Romain Chabrol
( Mis en ligne le 27/02/2002 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)