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Littératureet Poches  

L’Audience
de Oriane Jeancourt Galignani
Le Livre de Poche 2016 /  6,90 €- 45.2  ffr. / 281 pages
ISBN : 978-2-253-06791-7
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en août 2014 (Albin Michel)

Cru

Une jeune texane de trente ans, Deborah, mariée à un soldat effectuant de fréquents séjours en Afghanistan, mère de trois enfants dont un bébé, et professeur de mathématiques en lycée, séduit quatre de ses élèves, majeurs et consentants. Un par un, elle les choisit, les mélange, les entraîne dans un jeu à deux, trois, quatre jusqu’au cinquième qui filmera tout et diffusera sur Internet leurs ébats, provoquant ainsi un procès dont l’audience durera 300 pages.

C’est en fait le procès de l’Amérique tout entière, de son puritanisme et de ses contradictions. C’est aussi le procès de l’ego de certains magistrats qui veulent solder les comptes de leurs vies et de leurs ambitions. Et c’est également le procès d’une journaliste ambitieuse, prête à tout pour un scoop faisant bondir sa carrière, sans souci de la vie de cette jeune femme.

On ne prend pas parti dans ce drame, l’argument, tiré d’un fait divers réel, étant au fond bien triste. Le comportement du mari intrigue par son silence, son acquiescement empreint de prières. Le comportement de la mère stupéfie par son accusation et son désir nié d’envoyer sa fille en prison. Mais le lecteur finit par se détacher de cette histoire, tant le fond, le sexe, est prégnant, obsédant. Il est décrit avec minutie, à des fins de plaidoirie certes, mais pas seulement, puisque, parallèlement au procès, les motivations et les agissements de Deborah sont racontés dans le détail. Les scènes érotiques sont d’une précision gênante, alimentées par la gloutonnerie des participants, dérangeantes.

Tout cela, joint au sordide d’un procès étalant sans vergogne des vies privées détruites, et mettant au jour la mesquinerie de beaucoup, sans aucun état d’âme quant aux enfants de l’accusée, fait qu’on sort de ce livre vaguement nauséeux. L’auteur voulait sans doute bousculer des idées reçues, faire prendre conscience aux lecteurs des manques de cette société texane ; on la sent à fleur de peau sur ce sujet, mais seule la boue surnage.

C’est d’autant plus dommage que l’écriture est adroite, bien construite (parfois de manière agitée, un peu à la façon d’un thriller), et le style fin, original, même dans les descriptions crues.

Dany Venayre
( Mis en ligne le 15/07/2016 )
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