L'actualité du livre
Littératureet Poches  

Barcelona !
de Grégoire Polet
Gallimard - Folio 2016 /  8,2 €- 53.71  ffr. / 512 pages
ISBN : 978-2-07-046895-9
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en janvier 2015 (Gallimard - Blanche)

Tourbillon catalan

Ce titre n’offre pas une énième vitrine touristique sur la capitale catalane, mais constitue un roman choral et sociologique, une épopée enchanteresse et vibrante, qui fait virevolter la ville de Gaudi à travers les portraits croisés de nombreux personnages, entre 2008 à 2012 : de la crise financière qui a touché l’Espagne au cœur, à l’émergence des Indignés relayés en 2014 par le parti ''Podemos''. «La politique a pour mission d’adapter la loi au bénéfice de la paix, la liberté et la prospérité du citoyen. Ces trois choses sont liées. Si l’une d’entre elles est atteinte, les deux autres en pâtissent».

Les personnages n’ont apparemment rien en commun mais, par une subtile toile d’araignée narrative, ils sont reliés les uns aux autres de manière fortuite, leurs chemins s’entremêlent. C’est ce qui fait le charme du récit. Begonya, riche adolescente qui devait aller faire ses études à New-York, se retrouve vendeuse chez un fleuriste, elle veut devenir «humaine» et rejoint les manifestants sur la place de Catalogne avec son compagnon clandestin et africain. C’est le premier choix de sa vie rangée de jeune fille bourgeoise ; elle décide de rompre la tradition en s’engageant auprès des démunis. Son cheminement d’un extrême à l’autre est difficile et devient une expérience de vie.

Son père, homme politique de droite, est candidat à la présidence de la région et se voit bien en potentat national catalan, car la Catalogne veut devenir indépendante : «Vous savez, le castillan, c’est une très belle langue, mais ce n’est pas la nôtre et ça nous fait beaucoup de tort en Catalogne. Vous savez, être nationaliste en Catalogne, c’est comme être écologiste au niveau mondial. C’est vouloir préserver un milieu de vie».

On rencontre aussi Chucho, héros d’un précédent roman, un jeune garçon des rues, protégé par les gitans puis adopté par un chirurgien allemand ; Gavilan, le vieux libraire solitaire qui, ruiné par la crise, va finir ses jours à Blanes au bord de la mer. Sorte de fil rouge dans le récit, le Père Catala, navigateur solitaire parti faire le tour du monde sur son bateau, qui s’arrête aux îles Pitcairn, dans le Pacifique, et y fait un long séjour parmi cette vingtaine d’habitants, complètement oublié des médias.

Les personnages et les descriptions de la ville fourmillent, nous voyons la Sagrada Familia, la Merce, les petites rues comme si nous y étions. Il y a beaucoup d’amour dans ce roman, amour filial et paternel, et beaucoup d’amitié, mais paradoxalement les personnes d’un certain âge sont plus gaies et optimistes que les jeunes, à cause de la crise. Nous vivons même l’intensité et la beauté d’un match de foot Barcelone-Madrid où le Barça sort grand vainqueur !

Un roman qui pousse à partir (re)voir la ville de Zafon : «vers le milieu du XIXe siècle, Barcelone, comme beaucoup de villes en Europe Occidentale, a changé de statut. C’était encore une cité fortifiée, avec interdiction de bâtir dans un large périmètre autour des remparts. Puis on a autorisé la destruction des remparts et la ville qui était serrée à craquer dans ses petites ruelles médiévales, a pu d’un coup s’étendre».

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 12/09/2016 )
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