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Littératureet Poches  

Quinquennat - L'emprise - Tome 2
de Marc Dugain
Gallimard - Folio 2016 /  7,70 €- 50.44  ffr. / 352 pages
ISBN : 978-2-07-046883-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en mars 2015 (Gallimard - Blanche)

Place des grands hommes

Launay vient d’être élu président de la république : gloire, aboutissement d’une vie, postérité… et dépression car le seul sel de sa vie n’est pas l’exercice du pouvoir, mais sa conquête, et, en l’occurrence, sa reconquête. Mais ce projet se heurte à un rival haï, un collaborateur détesté, un camarade menaçant : Lubiak, grand argentier du parti devenu, par excès de compromissions, ministre des «phynances», et bien décidé à s’enrichir rapidement sur le dos de la bête. Lubiak dont la seule boussole morale s’appelle… Lubiak.

Un duel donc, un duel feutré mais implacable avec en toile de fond des manipulations, des scandales, des financements illégaux, des jeux d’influence avec les services de renseignements, des écoutes, clandestines, des tentatives de déstabilisation… Un jeu peut-être, mais dont les pions (une agente de la DGSE, un journaliste pugnace, une femme violée en quête de justice, la propre épouse du président) peuvent payer cher leur mauvais placement.

Sortez les crocs de boucher, aiguisez les couteaux, la politique est bien la continuation de la guerre par d’autres moyens, et ce roman – qui emprunte à beaucoup de fauves politiques sans toutefois être un roman à clefs – exploite joliment ce thème. Avec le talent et le style exquis qui lui sont coutumiers, Marc Dugain nous entraîne dans les bas fonds de la politique, dans l’intimité des squales, dans le lit de Procuste des communicateurs. Launay, sa misanthropie et ses jeux d’ego, ou Lubiak et son amoralisme jouissif sont autant de figures réussies d’un roman qui hésite entre le thriller psychologique, l’intrigue politique, le tableau impressionniste et la fable philosophique.

Aux côtés des grands affairistes et capitaines d’industrie, tel Volone, ou des maîtres d’officines, tel Corti, le héros de base – le journaliste Absalon ou l’agent Lorraine – semble de bien peu de poids. Pas de récit hollywoodien ici, dans une intrigue où les simples, simplement armés de leurs bonnes intentions, triompheraient des méchants. Le monde de Marc Dugain est plus âpre et semble malheureusement plus réaliste.

Un très bon cru pour un triptyque dont vient de sortir le tome conclusif.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 11/05/2016 )
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