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Littératureet Poches  

Voici venir les rêveurs
de Imbolo Mbue
Pocket 2017 /  8,20 €- 53.71  ffr. / 498 pages
ISBN : 978-2-266-27612-2
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication française en août 2016 (Belfond)

Sarah Tardy (Traducteur)


L'illusion d'un Rêve Américain globalisé

Dans sa définition du ''Rêve Américain'', l'écrivain James Truslow Adams explique qu'il s'agit d'une terre ou la vie devrait être meilleure, plus riche et plus complète pour tout le monde, avec des opportunités offertes à chacun, selon l'habilité ou la réalisation et quelles que soient la classe sociale ou les circonstances de la naissance (The Epic of America, 1931). Aujourd'hui, la mondialisation a étendu l'envie et les possibilités de ce rêve à la planète entière.

Au commencement du roman d'Imbolo Mbue, Jende et Neni sont ce jeune couple camerounais parvenu à s'installer à New York avec leur fils Liomo. Jende est demandeur d'asile et espère obtenir une ''green card'' afin de pouvoir demeurer aux États-Unis. Neni possède un visa étudiant ; son rêve à elle : être pharmacienne. Jende devient plus tard chauffeur pour Clark Edwards, cadre supérieur chez Lehman Brothers, dont l'ambition, moteur nécessaire pour assurer pleinement ses rôles d'époux et de père, fait écho à la sienne. Et tout se passe pour le mieux au sein des deux familles, qui se rapprochent... jusqu'au scandale et à l'effondrement de Lehman Brothers, point de départ de déroutes économiques, professionnelles, sociales et familiales pour tous. Les deux mariages sont soumis à l'épreuve et chaque parent doit faire des choix décisifs, prompts à transformer leurs vies.

Ces cataclysmes économiques et sociaux ont aussi des effets spirituels et psychologiques. Jende voit d'un oeil différent les États-Unis, passé de l'optimisme envers une société généreuse pour tous... au désespoir. L'Eldorado rêvé devient une terre dure où Jende sert les autres et où, malgré son désir de rester, il se sent testé face aux vents mauvais de politiques et de discours anti-migrations. Le pays semble continuer à chérir son image d'ouverture, une société soi-disant moins hiérarchisée que d'autres, accueillante à la misère du monde, où devenir pleinement Américain resterait une possibilité pour les migrants. Ces derniers, pourtant, restent exclus des accès à l'éducation, à l'emploi, à l'obtention d'un statut social. Les preuves sont là qui contredisent, aux États-Unis comme en Europe, pour les communautés africaines, hispaniques et autres, la possibilité d'une réelle mobilité sociale.

Jende et Neni font cette expérience-là : l'obtention de la ''carte verte'' et de la citoyenneté ne va pas améliorer leur condition. Le ''Rêve Americain'' reste une illusion tenace dont l'ampleur n'a d'égale que les défis sociaux imposés à ceux qui y crurent.

Yujia Liu
( Mis en ligne le 30/09/2017 )
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