L'actualité du livre
Littératureet Poches  

En camping-car
de Ivan Jablonka
Seuil - Points 2019 /  6,50 €- 42.58  ffr. / 172 pages
ISBN : 978-2-7578-7545-2
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

''Voir et décrire''

Ivan Jablonka compose ici en peu de mots - fort bien choisis - le récit d'une enfance, celle d'un gamin des classes moyennes dans les années 80 européennes, un descendant de Juifs malmenés par le siècle. Côté soleil, plage et liberté ; côté camping.

A travers la remémoration de ces moments estivaux, aux Etats-Unis ou dans le sud méditerranéen, pour une sorte de Grand tour en van Volkswagen, Ivan le quadra interroge cette parenthèse qui est une matrice, l'enfance quand, avec ses parents et les Parent, une famille d'amis et leurs enfants, ils sillonnaient les routes et les côtes, en quête de ''spots'', sortes de no-man's-lands idylliques dans une Europe que n'avait pas encore normalisée ni balisée le tourisme de masse.

Aujourd'hui père, universitaire, un historien du social reconnu, et un écrivain primé, Ivan Jablonka résume, retrace et synthétise l'expérience, pour lui donner valeur pour les autres, un sens dans l'histoire, dans les terreaux sociaux où elle s'est déployée, sans remettre pour autant en question ce qui en fit l'essence : un savoureux - et regretté, lit-on, entre les lignes - sentiment de liberté. ''Débusquer ce qui, en nous, n'est pas nous. Comprendre en quoi notre unicité est le produit d'un collectif, l'histoire et le social. Se penser soi-même comme les autres''.

Le récit, du coup, ressemble à plusieurs choses : un essai d'autofiction, un exercice de microstoria (quand le détail, disséqué, rend compte d'un tout), un procès psychanalytique aussi, sur lequel il s'ouvre d'ailleurs, avec cette injonction paternelle - ''Soyez heureux ! '', qui dit le malaise d'un homme autrefois orphelin - la faute à l'histoire, aux Allemands, aux foyers communistes qui l'accueillent et qui le forment -, malaise transmis au fils dans la lumière - c'est vrai, heureuse ! - de quelques étés.

Le pari est gagné. Le ''Je'' embrasse le ''Nous'', un ''nous'' français européen, descendu de générations griffées, déplacées, tuées par l'histoire, un ''nous'' éclos dans une société de confort et de loisirs encore naissante, aujourd'hui saturée, alors encore libre, aventurière, plus insouciante et plus confiante aussi.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 31/05/2019 )
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