Littérature
Récits de Sébastien Lapaque
Actes Sud 2010 / 18 €- 117.9 ffr. / 170 pages
ISBN : 978-2-7427-9122-4
FORMAT : 11,6cm x 21,7cm
Les temps modernes
Sébastien Lapaque croise ''au hasard et souvent'' des bonheurs qu’il appelle émerveillements et qui satisfont son quotidien, mais, ne nous y trompons pas, il ne nage pas dans un optimisme béat et aveugle. Le regard qu’il porte sur la vie et la société est d’une lucidité farouche bien que dépourvue de dureté. Ses observations sont pertinentes, étayées d’exemples adaptés, et nourries de références culturelles multiples. Ce n’est jamais méchant ; souvent, le mordant de l’ironie est là, mais toujours spirituel et imparable.
De grands thèmes se détachent : la dérive de notre civilisation asservie par l’argent et le mercantilisme, l’absence de la foi remplacée par l’angoisse et celle de la curiosité remplacée par la peur. Les personnages politiques, de Thucydide à de Gaulle, sont présents, égratignés parfois, épinglés surtout pour leurs incohérences, ou appréciés pour leur justesse de vue, qu’ils soient actuels ou disparus depuis longtemps. Les personnages religieux, de Saint Augustin à Benoît XVI, sont pour lui l’occasion de déplorer la perte de valeurs, la perte d’absolu, l’oubli de l’éthique de la religion. La société actuelle, qui broie l’homme pour l’adapter à ce qu’elle est devenue, lui fait souvent citer Orwell, et ses réflexions sur la xénophobie lui permettent de nous rappeler que xéno en grec signifie l’étranger mais aussi l’hôte.
Le livre est écrit sous forme de paragraphes plus ou moins longs, chacun développant un sujet, et se déguste comme une gourmandise, en appréciant chaque bouchée. L'auteur saute du coq à l’âne, les sujets sont incroyablement variés : la poésie, la géographie, la littérature, les guerres, les voyages, les rencontres, l’enseignement (lignes émouvantes sur le certificat d’études), le sport, le cinéma, avec en filigrane un certain regret de choses disparues. Le style suit la dérive de la pensée ; d’un personnage on bascule dans un développement inattendu : à partir d’un capitaine d’équipe de rugby, Fulgence Ouedraogo, toute la vie de Saint Fulgence nous est racontée ; à partir d’un certain «casse-toi pauvre con», l’analyse des dialogues finement ciselés de Michel Audiard nous rappelle les merveilles de la langue française. Entre les paragraphes de son cru, Sébastien Lapaque intercale parfois des citations, pensées ou maximes tirées d’œuvres diverses, récentes, antiques ou bibliques et magiquement adaptées à son propos ou à la situation actuelle.
Bien des chroniqueurs, dans différents journaux ou revues hebdomadaires, pratiquent ce type d’articles, avec talent souvent, mais Sébastien Lapaque ne se laisse pas emporter par une hargne politique ou un désir impératif de convaincre. Il nous renvoie à nos idées et nous y retournons avec l’envie d’y réfléchir.
Dany Venayre
( Mis en ligne le 07/06/2010 )
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