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Littératureet Récits  

Retours en Algérie - Des retrouvailles émouvantes avec l'Algérie d'aujourd'hui
de Akram Belkaïd
Carnets Nord 2013 /  19 €- 124.45  ffr. / 215 pages
ISBN : 978-2-35536-071-8
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

Son pays, ses blessures

L'Algérie et la France. Deux sœurs, deux filles méditerranéennes à la destinée digne d'une tragédie grecque, faite de dépendance et d'insoumission. Amour et haine semblent y être les seuls modes d'interaction possibles, même 50 ans après la guerre et l'indépendance : domination, violence, puis indifférence. Quelle autre voie serait possible quand la communication reste si difficile, les responsabilités si mal assumées et partagées, les plaies toujours à vif ?

Sur ce canevas historique et tragique, Akram Belkaïd brode un récit chargé de mélancolie et de désillusions. Retours en Algérie ou la peinture d'un conflit intérieur, un regard sur une terre qu'il a quittée au cœur de la décennie 90, une époque sanglante pour les Algériens, les intellectuels surtout... et Akram est journaliste... Tout se déclenche en lui à l'occasion d'un voyage collectif organisé par le magazine La Vie. Un retour au pays pour des individus essentiellement chrétiens. Leur Algérie est donc celle d'avant juillet 1962, l'Algérie française. Akram, lui, est l'unique musulman du voyage, et il pressent que cela va être dur et douloureux...

Le voyage se vit dans un entrelacs d'émerveillements - essentiellement provoqués par la beauté des paysages - et de dégoûts. L'Algérie libre et indépendante est un pays en décrépitude, qui ne réussit ni à préserver les vestiges du passé ni à construire un avenir digne d'un pays riche de pétrole et de dollars. Toutes les villes traversées, en dehors de Tlemcen, sont anarchiques, sales, déroutantes de pauvreté. La mainmise de Boutlefika fait ressembler le pays à tant d'autres du sub-Sahara. L'argent n'est pas partagé. Les riches sont extrêmement riches et les autres, souvent jeunes, se débrouillent - 65% des moins de 30 ans sont au chômage. Ce constat favorise une économie parallèle et un essor d'un individualisme qui, selon l'auteur, a empêché, en partie, un printemps arabe algérien. Le pouvoir en place a torpillé le reste de la révolte en augmentant soudainement les salaires de ses fonctionnaires (jusqu'à 80% !). Akram est donc bouleversé par l'état de son pays et les doux souvenirs de l'enfance ne suffisent pas à contrebalancer ce sentiment, même si l'hospitalité de la population tout au long du périple est chaleureuse, spontanée, notamment vis à vis des Français.

Retours en Algérie offre un va vient permanent entre les drames collectifs vécus par une nation - et notamment les années de guerre civile - et les blessures intimes du journaliste. Un récit qui semble cathartique ; comme un besoin, pour Akram, d'analyser le chemin parcouru entre la fuite et la reconstruction en France. Il se rend compte qu'il ne peut pas supporter ce visage de l'Algérie. Il est déchiré, le cœur et l'âme confrontés à un dilemme identitaire, un peu comme tous les Français qui en 1962 ont quitté leur pays, l'Algérie française, en y laissant une partie d'eux-mêmes. Le temps et la Méditerranée ont creusé un vide, celui des colères et des nostalgies, des mots cachés (une guerre, l'Algérie ?...). La jeunesse s'y désoeuvre et veut fuir ; la France n'en veut pas. Pour quand, un printemps algérien ?...

Frédéric Bargeon
( Mis en ligne le 10/07/2013 )
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