Littérature
Récits de Sébastien Lapaque
Actes Sud 2013 / 22.80 €- 149.34 ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-330-01824-5
FORMAT : 11,7 cm × 21,7 cm
Un insurgé
Sébastien Lapaque aime la vie, le bon vin, le foot, la littérature et tutti quanti ; il aurait pu être épicurien si son aversion du «turbotcapitalisme» ne laissait présager d’une opposition viscérale au système. Le sous-titre «Contre-journal» est à donc à prendre dans tous les sens du terme : «contre» en tant qu’opposant insoumis face au capitalisme festif et «tout contre» l’époque, en tant qu’observateur attentif, sentinelle vigilante de nos dérives.
Après Au hasard et souvent, journal de l’année 2009, Sébastien Lapaque analyse dans ce nouvel ouvrage la période 2010-2012 avec cette déroutante aptitude à passer d’un sujet à l’autre en suscitant toujours la réflexion. Il jouit d’une science livresque impressionnante et relit chaque fait à travers les textes de Pasolini, Saint Augustin, Marx, Montaigne, Gramsci, Proudhon, Bloy, Bernanos, Camus, Hergé... et tant d’autres. Le lecteur voyage du Brésil, à l’Algérie, en passant par l’Uruguay, Katmandou ou la Chine, goûte au vin de feu Marcel Lapierre - instant de nostalgie qui rappelle la rigolade et la régalade d’une époque - puis est à peine surpris de faire un détour par l’art contemporain – de Jeff Koons, Xavier Veilhan à Takashi Murakami – avant de revivre le Tournoi des six nations ou la Coupe du monde 2010.
Parmi ses thèmes aussi variés que censés, il évoque avec talent Quai d’Ouistreham de Florence Aubenas, son combat contre la ''street food'' et le travail du dimanche qui tue la pause dominicale familiale et, par ricochet, le repas à la française : la gastronomie, note-t-il, n’est plus dans notre assiette mais dans les shows télévisés et l’avalanche de livres. Bien que rien ne soit exhaustif dans cette liste par rapport à l’éventail des sujets abordés par l’auteur, il faut souligner un excellent chapitre autour de ''notre pain quotidien'' et la question fondamentale du don. Un parmi tant…
Car l’homme est cet insurgé révolté contre l’injonction «de jouir de la richesse accumulée» au détriment de la justice sociale. Il réveille les consciences et décrypte avec pertinence notre époque. Pour cette raison, la meilleure conclusion lui revient : «Il faut s’obstiner à regarder le monde, s’obstiner à le comprendre pour combattre le mensonge, l’injustice et la mort qu’il véhicule. […] Dans l’ancien temps on s’inquiétait de voir la lettre se substituer à l’esprit. Au terme d’une effrayante perte de spiritualité, nous voyons, nous, le chiffre se substituer à la lettre». Dont acte : faisons autrement et encore.
Marie-Claude Bernard
( Mis en ligne le 17/07/2013 )
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