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Littératureet Récits  

Jardin des colonies
de Thomas B. Reverdy et Sylvain Venayre
Flammarion 2017 /  18 €- 117.9  ffr. / 207 pages
ISBN : 978-2-08-140806-7
FORMAT : 13,5 cm × 21,1 cm

Jardin fantôme

Un joli livre, dense et léger à la fois, écrit à quatre mains par un romancier, Thomas Reverdy (né en 1974), et un historien, Sylvain Venayre (né en 1970). «À quatre mains», qui donne à imaginer des chapitres juxtaposés, n’est sans doute pas le terme exact puisque les deux auteurs ont travaillé ensemble leur écriture, même si le récit met en scène un écrivain et un jeune chercheur en histoire et qu’il serait donc tentant d’attribuer à chacun son rôle.

Deux personnages, deux générations, l’ouvrage s’ouvre sur les intentions de l’écrivain : «Je rêvais d’un grand roman d’aventure». Une première phrase qui fait écho à la citation de Joseph Conrad donnée en exergue : «Le temps des exploits hardis et aventureux était passé pour tous les deux» (La Folie Almayer).

L’écrivain cherche donc un sujet et découvre un personnage : «Son vrai nom Jean Thadée Dybowski et sa date de naissance, 1856». Un grand voyageur en Afrique, puis directeur du Jardin colonial de Nogent. Séduit, l’écrivain décide d’écrire sur lui et se replonge alors dans l’histoire de l’Empire colonial français, dont le récit reprend les grandes lignes.

C’est ici qu’intervient le jeune chercheur qu’un de ses amis a recommandé à l'écrivain comme guide du «jardin d’agronomie tropicale». Les premiers instants de la rencontre sont plutôt froids, le chercheur est en retard, communique par textos et l’écrivain ne cache pas son mépris : «En voici un qui n’a pas grand chose du roman d’aventures. À presque trente ans et proche de terminer sa thèse, il ressemble encore à ce que les Américains appellent un teenager : tee-shirt rouge affreusement vif orné d’un slogan stupide à propos de pingouins et de végétarisme, baskets assorties en plastique, touffe de cheveux ébouriffés et maigreur d’androgyne. Un sac informe sur l’épaule. Assez d’éducation pour me servir du «Bonjour monsieur», mais pas assez pour être à l’heure».

Passée la première impression… l’entente s’établit entre les deux hommes, et les deux auteurs jouent avec jubilation des différences de génération et de culture pour revisiter l’histoire coloniale française sous divers angles, avec en toile de fond, les attentats… Le dialogue s’établit tout au long d’une promenade érudite et jamais ennuyeuse qui conduit les personnages et leurs lecteurs du Musée actuel de l’Immigration, Porte Dorée à Paris, aux restes délabrés et émouvants du jardin tropical, à Nogent, au fond du bois de Vincennes. Ruines romantiques qui parlent à qui sait les lire, et nos auteurs savent !

Ni livre d’histoire, ni récit romanesque, Jardin des colonies est une invitation élégante à réfléchir au-delà des idées reçues, au passé qui s’entremêle au présent, à la mémoire, à l’Histoire et à ce que nous en faisons. La dernière phrase, conclusion du jeune chercheur : «Le jardin conserve l’empreinte effritée, fragile, d’un passé qu’on peine à reconnaître comme le nôtre, mais ce n’est pas de sa faute. C’est nous qui sommes inquiets. C’est nous qui sommes fragiles».

Une invitation également à découvrir d’urgence ce lieu oublié et menacé.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 12/06/2017 )
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