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Littératureet Récits  

Une minute quarante-neuf secondes
de . Riss
Actes Sud Charlie Hebdo 2019 /  21 €- 137.55  ffr. / 311 pages
ISBN : 978-2-330-12716-9
FORMAT : 11,5 cm × 21,7 cm

Retour à Charlie

Riss est journaliste, co-rédacteur de Charlie hebdo… il l’était depuis 2009 et l’était notamment le 7 janvier 2015 au matin, assis à une table en plein conseil de rédaction. Au moment où tout explose et bascule, et où Charlie Hebdo devient cible d’attentat. Mais Riss a survécu à cette minute et quarante-neuf secondes de carnage. Ce récit, à la fois intimiste et lancé à la cantonade, est une forme de catharsis : pour avancer, dépasser sans oublier, Riss prend le chemin long de son rapport à la mort, rapport ancien et classique (mort d’un grand-père, corps anonyme dans une morgue où le futur journaliste officiait, etc.) et entreprend de revisiter, secondes par secondes, ces 119 secondes d’horreur, et leurs conséquences, l’hôpital, le journal «après», la vie qui reste à vivre sans les morts. Et la douleur, la culpabilité parfois face aux blessés les plus graves. Et l’agacement aussi, face aux autres…

Comment sort-on vivant d’un tel attentat ? Et qu’est-ce que la vie après ? Ce sont ces questions, et d’autres, que Riss pose, et se pose, dans un compte rendu méticuleux et désabusé. Les interrogatoires de la police, les visites aux copains blessés, les enterrements des amis, la nouvelle rédaction installée dans Libé, et qui succombe à d’inédites effusions – un effet inattendu de ce voisinage avec la mort. Mais une assemblée «d’écorchés vifs et d’âmes perdues», confrontée à un autre défi, celui de l’argent «une montagne», qui coule avec les dons et le «numéro vert» de Charlie : un dommage collatéral de l’attentat qui aura aussi aiguisé la soif de certains. C’est l’occasion de revenir sur ses années Charlie hebdo, de 2009 à 2015, les problèmes de trésorerie, les complexités de publier un journal sans pub ni mécène, les rapports avec les divers protagonistes – les historiques (Cabu, Maris, Charb, Tignous, Gébé etc.) et les survivants (et les querelles post attentat avec certains : à cet égard, le récit tourne au règlement de compte, à peine anonyme).

Riss observe, non sans agacement, la France «je suis Charlie» (mais aussi les autres, ceux qui ne sont pas Charlie), et revient, d’un chapitre à l’autre, sur les disparus. Ce récit, en forme de mémorial, est un hommage, énervé et libertaire, et un témoignage face à l’indicible. En parallèle au Lambeau de Philippe Lançon, un texte fort sur la vie après.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/02/2020 )
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