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Littératureet Récits  

La Maison qui soigne - Histoire de "La Retrouvée"
de Nathalie Heinich
Thierry Marchaisse Editions 2020 /  14,90 €- 97.6  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-36280-249-2
FORMAT : 13,9 cm × 20,5 cm

Refuge paisible

Dans Maisons perdues (2013), Nathalie Heinich avait raconté, d’une plume sensible, le deuil de ses maisons : deuil d’une maison d’enfance, de la demeure d’un couple défait, des liens brutalement brisés alors que l’on pensait avoir un refuge solide, stable. Dans La Maison qui soigne, elle aborde un autre pan de sa vie, qui succède à ces pertes successives, celui de son ancrage dans une maison qui pourtant n’avait au début de leur rencontre rien pour plaire… Un chalet sans inspiration des années 1950, très loin de la belle demeure dont elle rêvait en entreprenant ses recherches immobilières. Une maison sans charme apparent, mais bien située dans le beau pays de la Haute Loire. La Haute Loire où son père et sa famille ont trouvé refuge pendant la guerre…

Son récit est celui d’un apprivoisement : celui de cette maison dans laquelle elle emménage par un jour glacial, alors qu’elle vient de quitter le doux soleil d’automne de la région niçoise. Une maison qui n’a, semble-t-il, rien pour elle si ce n’est son prix abordable et… le fait qu’immédiatement ou presque le lien se crée. Une maison qui exige de nombreux travaux, une réorganisation complète. Et, très vite, cette maison ingrate devient une maison où il fait bon vivre, une fois retapée, entourée de jardins divers, soignée, meublée, entretenue. Une maison où chaque objet, souvenir d’une vie antérieure, ou achat coup de coeur, trouve sa juste place. Une maison pour qui l’auteur a les soucis d’une mère pour son enfant, comparaison qui revient souvent au fil des pages. Une maison qui rend au centuple les soins pris pour elle, en «réparant» sa propriétaire. Et on ne sait plus très bien qui possède qui…

La tradition interprète souvent les rêves où il est question de maison comme des rêves sur soi, ici l’auteur et la maison se confondent d’une certaine façon, réparées l’une et l’autre et prêtes à affronter bourrasques de neige et étés caniculaires qui sont le lot de la Haute Loire… Nathalie Heinich, en contant son amour, se place aussi sous le patronage d’auteurs qui ont réfléchi à ces liens forts qui secouent avec une maison aimée, Bachelard (souvent cité), F. Vigouroux (L’Âme des maisons), et donne en fin d’ouvrage une bibliographie qui permet de pousser plus avant la réflexion.

En lisant ce court texte on pense nécessairement à Jean-Paul Kauffmann (La Maison du retour, 2007), récit d’une double réparation, celle de l’auteur libéré de sa condition d’otage et celle de la maison perdue au fond des Landes, qu’il venait d’acquérir. Un récit voisin en quelque sorte, pourtant jamais évoqué. Un texte assez bref, avec une couverture qui reprend un célèbre tableau de Hopper (Cape Cod morning, 1950), beau tableau dont le choix peut paraître ici paradoxal : la femme de Hopper, penchée à sa fenêtre, donnant l’impression de l’angoisse de l’attente alors que l’auteur, elle, a trouvé un lieu de sérénité.

Un livre qui peut se lire à deux niveaux : un texte qui semble aligner des banalités quotidiennes, mais, au-delà, une quête réussie de la construction d’un refuge paisible.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 18/09/2020 )
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