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Littératureet Récits  

Ce qui reste
de Nicole Malinconi
Les Impressions nouvelles - Traverses 2021 /  13 €- 85.15  ffr. / 125 pages
ISBN : 978-2-87449-833-6
FORMAT : 14,6 cm × 21,0 cm

Les enfants de la Libération

Nicole Malinconi, née en 1946 d’un père italien et d’une mère belge, débute comme assistante sociale à Namur. Elle est très engagée dans le combat des femmes pour l’IVG avec le docteur Peers, précurseur en obstétrique. Son premier texte est Hôpital Silence (1985) qui découle de sa lutte pour de meilleures conditions d’accouchement et d’avortement.

Ce qui reste est un récit de l’après-guerre, vue par les enfants nés à partir de 1945, qui connaissent une révolution dans leur vie quotidienne, l’abandon de certaines traditions, la transformation de la société grâce au progrès que l’on n’arrête pas, le tout entre 1945 et 1969. La paix revenue avec la victoire sur les «boches», les mentalités évoluent vers un besoin de nouveautés pour une vie plus facile, surtout différente de celle «d’avant» ; les gens veulent oublier les restrictions, les tickets de rationnement, cette période de misère forcée ; ils veulent de nouveaux repères plus gais pour oublier la tragédie et tous ces drames personnels ou collectifs. Ils sont prêts à s’adapter à de nouveaux appareils qui soulagent les ménagères en leur faisant gagner du temps, car les femmes ont pris l’habitude de travailler comme les hommes et deviennent actrices dans l'économie. L’auteur propose ainsi une étude sociologique très pertinente en brossant le portrait de la classe moyenne.

Les parents travaillent dur pour remplacer le vélo par la première voiture, liberté suprême pour partir en vacances, souvent dans le Midi par la Nationale 7. Les supermarchés apparaissent dans une débauche de produits plus ou moins utiles. La télévision s’invite dans certains foyers, les plus aisés au début, attirant les voisins ; puis son usage se démocratise, ouvrant des horizons jusque-là inconnus. Chaque foyer profite de la mutation du monde qui l’entoure en accédant à un certain bien-être proportionnel aux moyens financiers de chacun. Le monde rural est plus rétif à la nouveauté, laissant la voie au départ des jeunes vers la ville.

Ces enfants sont ceux qui ont vécu tant de transformations tout au long de leur vie : «L’autre vie, ou plutôt un autre monde, ou plutôt un trou noir qui s’était ouvert dans leur existence et l’avait irrémédiablement divisée entre ce qu’ils nommaient désormais Avant la guerre et Après». Le gros téléphone noir et son fil en tissu révolutionnent les communications, mais au début il sert surtout pour appeler le docteur et les affaires urgentes, car comment expliquer le son de la voix sans voir le visage de l’interlocuteur ? Le but des parents étaient que leurs enfants deviennent «quelqu’un», sortent de leur milieu d’origine pour s’élever dans l’échelle sociale, le summum étant l’université.

Quand apparaissent les anglicismes, les ados des années 60 considèrent leurs parents comme des croulants qui ne comprennent rien à la révolte des jeunes. Le fossé se creuse entre les générations, c’est le début des surprises-parties, des booms, du rock and roll et surtout la mini jupe scandaleuse aux yeux des aînés. Le terminus de cette révolution sociétale et culturelle est mai 68 ; les jeunes acquièrent une conscience politique élargie et défilent contre la guerre du Vietnam et le napalm pendant que Jimi Hendrix fait hurler sa guitare sur l’hymne américain au festival de Woostock en juillet 1969.

Nicole Malinconi réalise une étude sociologique très exacte des années de l’après-guerre. Certains s'y reconnaîtront ; c’est aussi un ouvrage utile et intéressant pour ceux nés plus tard, qui leur enseignera la genèse du progrès social, économique et humain contemporain.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 05/02/2021 )
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