L'actualité du livre
Littératureet Récits  

Un message de consolation selon Gauguin
de Marina Doux
Ateliers Henry Dougier - Le roman d'un chef d'oeuvre 2021 /  12,90 €- 84.5  ffr. / 123 pages
ISBN : 979-10-312-0276-1
FORMAT : 13,7 cm × 19,7 cm

Naissance d'un Christ

Les ateliers Henry Dougier publient une nouvelle collection originale intitulée ''Le roman d’un chef d’oeuvre'', qui se donne pour objet de confier à un auteur le récit d’un tableau célèbre ou plus exactement celui de la naissance de ce tableau ; à lui de trouver le titre. Marika Doux, universitaire, propose de voir dans le ''Christ jaune'' de Gauguin un chemin de consolation.

Avec elle, le lecteur découvre un Gauguin angoissé et désargenté qui vit au Pouldu, non loin de Pont Aven. Le peintre est installé à La Buvette de la Plage, café de Marie Henry, avec le hollandais Jakob Meijer de Haan qui règle la pension de l'artiste en échange de leçons de peinture. Entre les deux hommes se construit une solide amitié.

Assez largement incompris de leurs contemporains et des Bretons dont ils partagent le quotidien, les deux peintres rivalisent de couleurs. Ce séjour breton est le deuxième de Gauguin qui entretemps est parti à Arles retrouver Van Gogh et vivre le drame d’une amitié tumultueuse, achevée avec l’automutilation de Vincent. Rien de tel entre Meijer de Haan et Paul Gauguin. Passent des silhouettes féminines : Madeleine, muse de Paul, Marie Lagadu, la servante généreuse de ses charmes, la jolie Marie Poupée (Marie Henry), compagne de Meijer de Haan...

En s’appuyant sur la correspondance et les écrits du peintre (cités en italique dans le texte), qui donnent les titres des chapitres, Marika Doux décrit un Gauguin surprenant, complexe, malheureux, en proie au doute, incapable de suivre le conseil de Vincent : «Vous Gauguin, Bernard ou moi, nous sommes là pour consoler ou pour préparer de la peinture plus consolante». Les titres des chapitres, citations de Gauguin, sont autant d’invitations à découvrir un homme mal connu : "Je me console en rêvant (…) Quand on veut s’exprimer un peu mystérieusement par paraboles, trouver des formes (…) J’estime que la vie n’a de sens que si on la pratique volontairement(…)".

Appartient-il à cette peinture consolante, ce Christ jaune dont on sait que Gauguin le découvrit dans la petite chapelle de Tremalo, et qui offre au spectateur un visage livide et sans expression, dans un décor coloré, entouré de femmes silencieuses, têtes basses, immobiles, tandis qu’au second plan un homme et deux femmes font allègrement le mur et s’enfuient vers les collines. Loin des représentations traditionnelles des calvaires, ouvrant une route de liberté, un tableau qui garde son mystère, mystère qui s’épaissit plus on le regarde : un Christ cadavérique mais serein, des personnages absents à eux-mêmes, qui occupent tout le premier plan…

La consolation est là, exprimée dans la lettre que l’auteur prête à la belle Madeleine qui quitte son amant et la Bretagne pour partir tenter l’aventure avec son mari en Argentine, avec dans sa poche une petite copie du Christ jaune, offerte par Paul : «Mon cher Paul, Merci pour ton cadeau (…)je prierai pour que tu trouves la joie».

Un beau livre qui laisse entendre la voix de Gauguin et invite à regarder intensément ce Christ si humain qui offre des horizons neufs… Ajoutons une mention spéciale pour la belle maquette du livre, qui reproduit en deux rabats intérieurs le tableau et le détail de la tête du Christ, et permet de mieux suivre le texte.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 01/11/2021 )
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